Les quatorze espions libérés dans le cadre de l'échange historique entre Moscou et Washington ont commencé samedi une nouvelle vie sans qu'on sache où ils sont et ce qu'ils vont faire après cette affaire digne de la Guerre froide.

Dix agents du Kremlin expulsés par Washington auraient été emmenés vendredi dès leur arrivée en Russie à l'état-major des services chargés du renseignement extérieur (SVR), selon le quotidien en ligne Gazeta.ru.

Quant aux quatre Russes accusés d'espionnage au profit de l'Occident, ils devraient se trouver en Grande-Bretagne ou aux États-Unis.

Le chercheur Igor Soutiaguine, expert en armement, a contacté samedi sa famille depuis la banlieue de Londres.

Soutiaguine «a appelé son épouse, il a dit qu'il se trouvait dans une petite localité près de Londres», a déclaré à l'AFP le frère de Soutiaguine, Dmitri.

Il n'a pas de visa et porte toujours les vêtements qu'il avait en prison. Le chercheur est avec un autre des quatre Russes qui ont été échangés vendredi à l'aéroport de Vienne, selon le frère qui a dit ne pas connaître son nom.

Le chercheur serait aussi sans argent. «Il a trouvé par miracle une carte téléphonique ou nous a appelés d'une cabine», a indiqué Dmitri Soutiaguine ajoutant qu'il l'avait utilisée et ne pouvait pas acheter une autre.

Les autorités britanniques se sont refusées samedi à tout commentaire.

Les médias britanniques ont annoncé que l'avion transportant les quatre Russes avait fait une courte escale sur une base militaire du centre de l'Angleterre, avant d'atterrir vendredi soir à Washington.

Selon la même source, M. Soutiaguine et Sergueï Skripal, un ex-colonel du renseignement militaire condamné à 13 ans de détention pour avoir travaillé avec les services secrets britanniques, ont débarqué de l'appareil en Angleterre.

Arrêté en 1999, Igor Soutiaguine avait été reconnu coupable en 2004 d'avoir transmis des informations secrètes sur le système de défense nucléaire russe à une société britannique de conseil qui servait de couverture à la CIA.

Les télévisions russes citant des informations des médias occidentaux ont affirmé que l'un des espions échangés, Alexandre Zaporojski, allait mener une vie confortable dans une maison qui coûte un million de dollars dans l'État américain du Maryland.

En Russie, les télévisions contrôlées par l'État ont brusquement perdu leur intérêt pour cette affaire qui a fasciné les médias pendant deux semaines.

Les principales chaînes de télévision ont consacré leurs bulletins d'informations à une tornade dans la région de Saint-Pétersbourg ou aux célébrations des 60 ans du président ukrainien Viktor Ianoukovitch, restant silencieux sur le sort des dix espions.

Selon un site internet à sensation, lifenews.ru, au moins un des dix agents, Anna Chapman, 28 ans, dont les détails sur sa vie sexuelle, photos à l'appui, ont fasciné les médias, a contacté sa famille depuis son arrivée.

«Anna a appelé sa soeur de l'aéroport (moscovite) de Domodedovo et a dit quelques mots : «tout va bien, nous avons atterri»», écrit la publication citant un ami de la famille.

Le député Guennadi Goudkov, de la commission de la Sécurité a regretté l'excès de transparence dans cette affaire qui porte un coup à l'image des services russes.

«Il ne fallait pas rendre public ce scandale. S'il y avait eu des négociations (sur l'échange), il aurait fallu garder le secret», a-t-il déclaré sur la radio Écho de Moscou.

L'échange d'espions «est une reconnaissance d'erreurs des services secrets», a-t-il conclu.