Un mois seulement après une tuerie qui a fait 12 morts, le Royaume-Uni se découvre un nouvel ennemi public numéro 1, un videur de boîte de nuit traqué depuis sept jours en direct à la télévision par une armée de policiers, soutenus par des blindés légers et des hélicoptères.

Culturiste accro aux stéroïdes, repris de justice, amant violent, fils ingrat, père absent et désormais assassin: la presse britannique a taillé à Raoul Thomas Moat un costume de «bad boy».

Cet homme de 37 ans, père de trois enfants, est soupçonné d'avoir tué par jalousie le nouveau compagnon de son ex-petite amie, dans la nuit du 2 au 3 juin, et d'avoir grièvement blessé celle-ci par balles, à Gateshead, dans la banlieue de Newcastle.

Il aurait ensuite froidement tiré, dans la nuit du 3 au 4, sur un policier en patrouille, le blessant grièvement.

Moat, qui a eu souvent des ennuis avec la police, serait mu par une haine générale de l'uniforme, qui aurait redoublé lorsqu'il aurait appris de la bouche de son ex-petite amie que son nouveau compagnon était lui-même policier.

Soucieuse de protéger ses agents, la police a fermement démenti en expliquant que Samantha Stobbart, 22 ans, lasse des menaces et des coups, avait menti à Moat «pour lui faire peur».

Auteur et spectateur de ses dérives, Moat -carrure de boxeur, visage mafflu et coiffure à la mohican- entre rapidement en contact avec les enquêteurs, comme s'il cherchait à s'expliquer, à se faire comprendre. «Vous ne me prenez pas au sérieux», leur reproche-t-il.

Les enquêteurs convoquent la presse. «Monsieur Moat, nous vous prenons au sérieux», lui répond le commissaire Neil Adamson. L'officier prendra l'habitude, à chacune de ses apparitions télévisées, de s'adresser directement au fugitif.

Lequel continue, lui aussi, à communiquer. Il laisse des lettres adressées aux enquêteurs et à Samantha, pour lui dire qu'il regrette de l'avoir blessée. La jeune femme l'exhorte, par la voix du commissaire Adamson, à se rendre.

Un mois après la virée sanglante d'un chauffeur de taxi qui a tué 12 personnes en Cumbrie (nord-ouest de l'Angleterre) avant de se donner la mort, le pays replonge dans la psychose. Les télévisions diffusent en direct et en continu. Skynews et la BBC font décoller leurs hélicoptères.

Mardi, des dizaines de policiers convergent à Rothbury, un village pittoresque du Northumberland (nord) situé en lisière d'un parc national qui marque la frontière entre l'Angleterre et l'Écosse.

Les policiers y retrouvent une voiture utilisée par Moat dans sa fuite et y interpellent deux complices présumés. Le village est placé en quarantaine. L'homme a laissé derrière lui une tente, un duvet et une nouvelle lettre.

«Le filet se referme», se réjouit alors le commissaire Adamson... Mais Moat reste introuvable.

Des moyens considérables sont engagés. Quelque 160 hommes -groupes d'assaut, tireurs d'élite, commandos de Scotland Yard- ont reçu l'appui de blindés légers venus d'Ulster, d'hélicoptères équipés de caméras thermiques et même, croit savoir The Sun, d'un avion de chasse de la Royal Air Force utilisé en Afghanistan.

Les enquêteurs, convaincus que Raoul Moat se terre dans cette région accidentée qu'il connaît comme sa poche, ont fait état vendredi de «progrès significatifs» dans les recherches.

Ils ont interpellé deux autres personnes, un homme et une femme, et ont mis la main sur trois téléphones portables utilisés par Moat ces derniers jours.

En attendant, les écoles de Rothbury ont été placées sous surveillance policière et les habitants avertis: «Vaquez à vos occupations habituelles, mais soyez sur vos gardes».