La vague de nominations dans la curie romaine opérée cette semaine par Benoît XVI montre sa volonté d'imprimer sa marque et de changer les modes de fonctionnement d'une Église secouée par la crise des scandales pédophiles, selon les vaticanistes interrogés par l'AFP.

«Il est en train d'imposer son style, fait de fermeté et de transparence, car il s'est rendu compte que la crise de la pédophilie risque de menacer durablement l'évangélisation», estime le vaticaniste Bruno Bartoloni.

Pour Giancarlo Zizola, «le timide intellectuel est descendu de sa tour d'ivoire et montre à la barre une ferme détermination». Mais, ajoute-t-il, Benoît XVI a déjà fait preuve de sa fermeté dans les affaires de pédophilie en acceptant les démissions de plusieurs évêques et en reprenant en main la puissante congrégation des Légionnaires du Christ.

«Il est dans une démarche de réaffirmation de l'identité de l'Église car la stratégie des petits pas envers la société n'a pas donné de résultats tangibles», note un observateur pour qui le pape «veut changer les modes de fonctionnement» de l'Église.

Pour imposer ce changement, loin d'être assuré car les résistances au sein de la curie sont traditionnellement fortes, Benoît XVI «cherche à placer des hommes en qui il a confiance», observent MM. Zizola et Bartoloni.

Il a ainsi nommé l'archevêque de Québec, le cardinal Marc Ouellet, 68 ans, à la tête de l'importante Congrégation pour les évêques en remplacement du cardinal Giovanni Battista Re, âgé de 76 ans, en poste depuis septembre 2000.

«La Congrégation pour les évêques a révélé des failles notables dans la crise de la pédophilie», souligne M. Zizola, alors que des évêques ont été «impliqués dans des affaires de pédophilie ou ont pratiqué l'omerta».

Benoît XVI a également choisi l'évêque de Bâle Kurt Koch, 60 ans, pour diriger le Conseil pontifical pour l'unité des chrétiens.

Les deux hommes sont proches de la revue Communio, co-fondée par Joseph Ratzinger, futur Benoît XVI, et sont, comme lui, des théologiens. «Ils ont une culture commune et occupent des postes traditionnellement confiés à des diplomates ou des Italiens», note M. Zizola.

Le même choix de proximité, non dénuée de frictions, a présidé à la nomination de Mgr Rino Fisichella, 58 ans, à la tête d'un nouveau ministère: celui de l'évangélisation dans les pays catholiques en proie à la sécularisation.

Ce prélat médiatique n'avait pas craint de participer à une émission télévisée sur la pédophilie au sein de l'Église. Il s'était également prononcé contre les excommunications décidées par l'évêque de Recife (Brésil) après l'avortement de jumeaux pratiquée sur une fillette de neuf ans violée par son beau-père. Cette prise de position, contre une décision approuvée par le cardinal Re, avait été critiquée par des membres de l'Académie pontificale pour la vie qu'il dirigeait.

Benoît XVI a également choisi des hommes relativement jeunes pour la curie, et qui exerceront donc leurs fonctions durant un temps assez long.

Mais Benoît XVI, qui en cinq ans de pontificat a changé les responsables de 80% des ministères du Vatican, aura-t-il les moyens de sa volonté? Les nouveaux responsables «sont attendus à l'orée du bois dans la curie», note un observateur du Vatican.

Pour M. Zizola, les récents mouvements «sont un pas en avant» dans la «nécessaire réforme générale de la curie romaine». Mais il en faudra d'autres pour que Benoît XVI soit «le pape qui a fait les modifications définies par le Concile Vatican II (1962-1965) que Jean Paul II n'a pas eu le courage de faire», à savoir: «réduction de la curie, décentralisation du pouvoir et gouvernement collégial de l'Église».