Les syndicats français ont massivement mobilisé jeudi contre le projet gouvernemental de réforme des retraites, dénonçant une réforme «injuste» et saluant le plus fort mouvement social de l'année 2010.

Les syndicats, appuyés par les partis de gauche, refusent cette réforme du système de pension qui repousse l'âge minimal de la retraite de 60 à 62 ans d'ici à 2018, revenant sur un acquis social emblématique des années Mitterrand et suscitant une forte opposition. La grève était suivie dans les services publics - en particulier l'enseignement - et les transports. La circulation des trains était très perturbée, avec notamment un train à grande vitesse (TGV) sur 2 au départ ou à l'arrivée de Paris et à l'international.

Quelque 200 manifestations ont eu lieu dans le pays. À Paris, le défilé a rassemblé 47.000 personnes selon la police, 130.000 selon la CGT, premier syndicat français, sous un soleil estival, alors que, clin d'oeil à la Coupe du monde de football, des vuvuzelas faisaient concurrence aux sifflets.

Lors de la précédente journée d'action le 27 mai, ils n'étaient que 22 000 dans les rues parisiennes selon la police, 90 000 d'après la CGT.

«Il fallait une réaction à la hauteur de la remise en cause des droits à la retraite» et «le moins qu'on puisse dire, c'est que le répondant est au niveau nécessaire», a jugé le patron de la CGT, Bernard Thibault.

«Dès lors que 23 grévistes (les joueurs de l'équipe de France de football, ndlr) parviennent à modifier l'agenda du président de la République, assez naturellement, on pourrait penser que les responsables syndicaux puissent être reçus», a-t-il persiflé, en référence au rendez-vous improvisé jeudi après-midi entre Nicolas Sarkozy et l'attaquant vedette Thierry Henry.

Selon Bernard Thibault, «on sera autour des deux millions» partout en France. Même son de cloche chez le numéro un de la CFDT (second syndicat), François Chérèque, pour qui «les deux millions» de manifestants sont «certainement atteints» en France.

C'est la quatrième journée de mobilisation en France depuis début 2010 sur l'emploi et les retraites. La précédente, le 27 mai, avait réuni un million de personnes dans toute la France selon les syndicats, 395 000 selon la police.

Le gouvernement considère que le report de l'âge légal de départ à la retraite est la meilleure option pour assurer des besoins de financement estimés à 70 milliards d'euros d'ici 2030.

L'âge légal est celui à partir duquel un salarié peut prétendre à une pension à taux plein dans le système français dit par répartition, où les actifs paient les pensions des retraités.

Nicolas Sarkozy s'est dit prêt à des «évolutions» sur cette réforme clé de la deuxième partie de son mandat présidentiel, avant un débat au Parlement en septembre.

Face au gonflement de la dette publique, le gouvernement vient d'annoncer des mesures de rigueur, à un moment où se multiplient les révélations sur le train de vie ou le comportement des ministres, en particulier celui du Travail Eric Woerth.

Alors qu'il procède à cette réforme qui va obliger les Français à travailler plus longtemps, à l'instar de leurs voisins européens, l'ancien ministre du Budget est accusé d'être au centre d'un «conflit d'intérêt» dans le cadre d'une affaire opposant l'héritière du géant des cosmétiques L'Oréal Liliane Bettencourt à sa fille.

Le nom du ministre apparaît dans des écoutes pirates laissant entendre que Mme Bettencourt procédait à de possibles fraudes fiscales et qu'il était au courant car son épouse gère depuis 2007 une partie de la fortune de la femme la plus riche de France.

L'opposition, qui dénonce une «collusion» entre pouvoir et grandes fortunes, a demandé une enquête judiciaire et plusieurs responsables sa démission.