Le cardinal-archevêque de Naples, ancien responsable de l'immense patrimoine immobilier du Vatican, a clamé son innocence lundi face à des soupçons de corruption aggravée dans le cadre d'un vaste scandale qui a coûté son poste à un ministre du gouvernement Berlusconi.

«J'ai toujours agi dans la plus grande transparence», a déclaré à Naples le cardinal Crescienzo Sepe, à propos de sa gestion, de 2001 à 2006, de la Congrégation pour l'évangélisation des peuples, l'une des plus puissantes du Vatican.

Cet organe, autrefois appelé «Propaganda Fide», finance environ un tiers des missions catholiques, surtout en Afrique et Asie, grâce aux revenus générés par l'énorme patrimoine immobilier du Vatican, notamment à Rome, estimé à 9 milliards d'euros. Compte tenu de sa puissance, le préfet de la Congrégation, qui est toujours un cardinal, est surnommé le «pape rouge».

«J'ai toujours agi en ayant des bilans à chaque fois approuvés par la Secrétairerie d'État (le chef du gouvernement du Vatican, ndlr) qui à la fin de mon mandat m'avait envoyé une lettre exprimant son estime pour la gestion» des biens de Propaganda Fide, a continué le cardinal.

Celui-ci a présenté sa ligne de défense en lisant, à l'archevêché, une lettre adressée «aux citoyens» de Naples devant une foule de journalistes.

Le parquet de Pérouse l'a placé sous enquête samedi en même temps qu'un ancien ministre d'un des gouvernements Berlusconi, Pietro Lunardi, auquel Propaganda Fide, à l'époque dirigée par Mgr Sepe, aurait vendu un immeuble au quart de sa valeur réelle, en 2004.

Selon les médias italiens, en échange de ce tarif très favorable, Propaganda Fide aurait obtenu des subventions publiques de 2,5 millions d'euros pour des travaux qui n'auraient pas été réalisés.

De son côté, M. Lunardi aurait confié la rénovation de son immeuble à Diego Anemone, un sulfureux constructeur romain, qui se trouve à l'épicentre d'une vaste affaire de marchés publics attribués illégalement, dont les infrastructures du G8 organisé par l'Italie en 2008.

Un pan de ce scandale a coûté son poste au ministre du Développement économique Claudio Scajola et un autre touche le chef de la protection civile Guido Bertolaso. M. Bertolaso, un protégé de Silvio Berlusconi, aurait bénéficié d'un appartement par l'entremise du cardinal Sepe.

L'avocat du cardinal, Bruno Von Arx, a affirmé qu'il n'y avait «rien de pénalement significatif» à reprocher à Mgr Sepe.

En dépit du concordat entre le Vatican et l'Italie, qui lui accorde des droits particuliers, le cardinal Sepe, également protégé par un passeport diplomatique, s'est dit disposé à «s'expliquer» devant les magistrats.

L'audition aura lieu «si possible dès cette semaine», selon son avocat, mais «dans un lieu neutre», en vertu du statut de Mgr Sepe, et donc ni à Naples ni à Pérouse.

Dès dimanche, le porte-parole du Vatican, le père Federico Lombardi, a insisté sur la position particulière du cardinal en demandant de «tenir compte des aspects de procédure et profils juridictionnels liés» au concordat.

Mais, même s'il a exprimé l'«estime» et «la solidarité» du Vatican avec le prélat, le porte-parole a réclamé une «clarification rapide» afin «d'éliminer toute ombre pesant sur» Mgr Pepe et «les institutions de l'Eglise».

Selon les médias italiens, le Vatican est très inquiet des répercussions de l'affaire sur l'image de l'ex-Propaganda Fide, dont le patrimoine est aussi le fruit de siècles de donations.

Mgr Sepe est un prélat très médiatique qui sert lui-même en tablier le repas de Noël des déshérités. Le pape Jean-Paul II lui avait confié l'organisation des grandioses festivités du Jubilé de l'an 2000 puis la prestigieuse direction de Propaganda Fide.

Le courant passe moins bien, selon les médias, avec l'austère pape Benoît XVI qui l'a remplacé en 2006 à la tête de la Congrégation par un cardinal indien, Ivan Dias, dépourvu d'amitiés «romaines».