Comme le prédisaient les sondages, les indépendantistes flamands ont fait très bonne figure dimanche lors des élections législatives tenues en Belgique. Le pays risque du coup de se trouver plongé dans une nouvelle crise institutionnelle aux conséquences imprévisibles.

Selon les résultats officiels partiels diffusés en soirée par les médias belges, la Nouvelle alliance flamande (N-VA) de Bart de Wever a remporté 29 % des voix en Flandre, quatre points de pourcentage de plus que prévu.

Le quotidien Le Soir a parlé d'un «raz-de-marée» en faveur de la formation, qui a grugé des voix à l'extrême droite ainsi qu'au parti chrétien-démocrate du premier ministre sortant, Yves Leterme, arrivé deuxième avec un score de près de 18 %.

L'Open Vld, qui avait forcé la tenue du scrutin en se retirant de la coalition menée par M. Leterme en avril, arrive troisième avec 14,5 % des voix, quelques points de pourcentage devant les ultranationalistes du Vlaams Belang.

Lors du scrutin législatif de 2007, la N-VA et le CD & V avaient fait campagne ensemble, remportant près de 30 % des voix, mais la seconde formation avait attiré la quasi-totalité de ces votes.

Il s'agit d'un «changement fondamental» de la politique flamande, a relevé l'ex-premier ministre Mark Eyskens en commentant le fait que les formations ouvertement indépendantistes en Flandre récoltent désormais plus de 40 % des voix.

La forte performance de la N-VA risque de rendre très difficile la création d'un gouvernement de coalition avec les partis francophones sortis gagnants du vote en Wallonie et à Bruxelles, le Parti socialiste et les libéraux du Mouvement réformateur.

Des formations des deux côtés de la frontière linguistique doivent s'unir pour gouverner le pays à majorité néerlandophone, mais la formation d'une coalition s'annonce cette fois particulièrement ardue en raison des visées de la N-VA.

M. de Wever, qui a bénéficié dans l'urne de la fermeté affichée sur les demandes d'émancipation flamandes, veut en finir avec les privilèges accordés aux francophones de la périphérie bruxelloise. La question est au coeur de la chute du précédent gouvernement.

Il souhaite aussi qu'une plus grande partie des pouvoirs de l'État belge soit dévolue aux régions, ce à quoi s'opposent depuis plusieurs années les formations francophones. Ce «confédéralisme», explique le politicien, doit mener à terme, «sans révolution», à l'indépendance pure et simple de la Flandre.

Le leader de la N-VA, arrivé en soirée au siège de sa formation sous les applaudissements de la foule, a déclaré qu'il fallait «construire des ponts» entre les deux communautés pour en arriver à un accord donnant plus d'autonomie aux régions.

«Les francophones n'ont pas d'avantage à vivre dans un pays bloqué», a-t-il plaidé.

Bien que les spéculations aillent bon train depuis longtemps dans les médias sur les chances de survie de la Belgique, nombre d'analystes font une mise en garde contre les conclusions hâtives.

Scénarios de sécession

Marcel Bolle de Bal, sociologue établi en banlieue de Bruxelles, relève que l'éclatement du pays est un scénario sans cesse évoqué, mais jamais réalisé.

Dans une étude parue quelques jours avant le scrutin, un chercheur de l'Université catholique de Leuvain a relevé que la peur de l'indépendance n'avait «pas lieu d'être».

Un conflit armé menant à l'éclatement du pays paraît impensable, tant en raison du caractère non violent des tensions intercommunautaires que de la présence d'institutions internationales importantes qui entraîneraient une réaction immédiate, a expliqué Vincent Laborderie.

La séparation à l'amiable paraît aussi improbable dans la mesure où la question du statut de Bruxelles, ville à majorité francophone enclavée en Flandre, paraît inextricable. La répartition de la dette poserait aussi problème puisque la Wallonie ne pourrait survivre en intégrant sa part, rendant toute entente impossible.

Il resterait, enfin, le scénario de la déclaration d'indépendance unilatérale, mais les autorités européennes demanderaient pour le valider un référendum. Or, les sondages démontrent qu'une majorité de Flamands demeurent acquis à la Belgique.

Quoi qu'il en soit, le président du Parti socialiste, Elio di Rupo, possible premier ministre, a indiqué la semaine dernière que les élus francophones seraient prêts à prendre les mesures qui s'imposent si aucun accord n'est possible avec la Flandre.

«Si un jour on doit arriver à ce stade, faites confiance aux formations politiques francophones, elles sont capables de faire face à une telle situation», a-t-il déclaré.

Plutôt que de spéculer sur l'avenir, M. de Rupo a appelé dimanche soir ses compatriotes francophones à entendre le «signal fort» envoyé par le nord du pays lors du scrutin et à envisager une nouvelle répartition des pouvoirs.