Le gouvernement français veut faire évoluer la loi pour mieux lutter contre la polygamie, à la lumière de l'affaire très médiatisée d'un homme, compagnon de quatre femmes portant le niqab et qui ont perçu 175 000 euros d'allocations familiales en trois ans.

Lies Hebbadj était apparu en avril sur la scène publique aux côtés d'une de ses compagnes, qui contestait une contravention pour port du voile islamique intégral au volant. Peu après, il avait fait l'objet d'attaques du ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux, qui l'accusait de polygamie et de fraude.

Mercredi, ce commerçant vivant à Nantes (ouest de la France), a été inculpé pour escroquerie, fraude aux aides sociales et travail dissimulé. Quatre de ses compagnes, dont son épouse légitime, vont être convoquées par la justice.

Pour Brice Hortefeux, il faut faire évoluer le droit pour mieux lutter contre la polygamie, quitte à aller jusqu'au retrait de la nationalité.

Ce nouvel épisode s'inscrit en marge d'un débat persistant en France sur la place de l'islam dans la société. Après s'être interrogé sur le concept d'«identité nationale», le gouvernement vient d'adopter un projet de loi d'interdiction du voile islamique intégral, burqa ou niqab.

«La définition que le code pénal fait de la polygamie n'est pas adaptée à la réalité», a affirmé mercredi le ministre de l'Intérieur car, de fait, «personne ou presque n'est juridiquement polygame en France».

Le droit «ne tient pas compte des mariages religieux ni des situations de communauté de vie et d'intérêts, qui constituent en réalité une polygamie de fait», a-t-il dénoncé.

Pour lui, il n'est pas «normal» qu'un étranger ayant acquis la nationalité grâce à son mariage avec une Française la conserve si, dans les années qui suivent, il «vit dans une situation de polygamie de fait en abusant du système d'aides sociales».

Sur trois ans, le montant total des prestations ainsi versées aux compagnes de Lies Hebbadj représente 175 000 euros. Selon le procureur de la République de Nantes, Xavier Ronsin, les prestations qu'elles auraient dû percevoir, si leurs déclarations de ressources avaient été conformes à la réalité, auraient dû s'échelonner entre 88 000 et 124 000 euros.

Lies Hebbadj, 35 ans, qui porte barbe, keffieh, calotte blanche et djellaba noire, a actuellement 15 enfants (il en aura bientôt 17), dont huit n'ont pas été reconnus afin de permettre le versement de prestations, selon la justice.

Pour sa part, le député européen de gauche Jean-Luc Mélenchon a estimé jeudi qu'il ne fallait pas «toucher au code de la nationalité».

«Le retrait de la nationalité française, ça a été l'arme avec laquelle le maréchal (Philippe) Pétain a fait peur à tous les gens qui étaient devenus français dont les miens, dont ma famille», a-t-il dénoncé, faisant référence au régime qui collabora avec l'Allemagne nazie dans les années 1940.

Autorisée dans une cinquantaine de pays dans le monde, la polygamie, définie comme «le fait pour une personne engagée dans les liens du mariage d'en contracter un autre avant la dissolution du précédent» est interdite en France.

Le phénomène, très peu étudié, est mal connu. Il toucherait près de 180 000 personnes, soit entre 16 et 20 000 familles, selon des estimations officielles.

Le plus fréquemment, ces ménages viennent d'Afrique de l'Ouest. Le taux de polygamie est très faible au Maghreb, selon des chercheurs. Lies Hebbadj est d'origine algérienne.

La polygamie est autorisée mais strictement encadrée par l'islam: le polygame doit pouvoir par exemple assurer la stricte égalité entre toutes les épouses, aussi bien sur le plan matériel qu'en ce qui concerne le temps consacré à chacune.