Des centaines de milliers de Français ont défilé hier dans les rues des grandes villes pour dénoncer la réforme des retraites envisagée par le gouvernement.

À Paris, la pluie a freiné les ardeurs des manifestants, qui sont venus moins nombreux que prévu.

Les dirigeants des grandes centrales syndicales avaient déclaré que la mobilisation aurait valeur de «test» de l'opposition populaire à la réforme envisagée, qui doit notamment se traduire par un report de l'âge légal de la retraite au-delà de 60 ans.

Qu'importe la pluie, Jean-Baptiste Delalande était dans la rue. «Je ne veux pas que le gouvernement touche aux retraites... Les actionnaires s'en mettent plein les poches depuis des années et voilà maintenant qu'ils veulent forcer la population à se serrer la ceinture», a déclaré l'homme de 73 ans, la chemise couverte d'autocollants réclamant une revalorisation des pensions.

Plusieurs manifestants portaient des affiches qui condamnaient l'action des milieux financiers.

«Par tranches, vos droits financent ma bourse», avait écrit sur une affiche un vieil homme, qui arborait un cigare et un haut-de-forme pour mieux faire passer son message.

«Il y a urgence de les empêcher de nuire davantage», a quant à elle déclaré une manifestante qui assimile les «élites libérales» à la mafia.

«Faut gueuler»

Jean-Yves Le Goff, qui travaille dans un bureau de poste près de la place Denfert-Rochereau, point de départ de la manifestation, trouvait qu'il y avait trop peu de monde dans la rue: «Les gens se rendent pas compte. Faut bouger, faut gueuler... Moi, je suis très remonté», a souligné l'homme de 53 ans, qui s'oppose à tout report de l'âge de la retraite.

«Je ne veux pas me retrouver à 70 ans à accueillir les gens au guichet avec mon déambulateur... Quand je serai vieux, je veux pouvoir en profiter pour voyager. Au Canada, par exemple», a-t-il précisé.

Le gouvernement a fait monter les enchères mercredi en confirmant officiellement son intention d'augmenter l'âge légal de la retraite. Un projet de loi en ce sens doit être présenté au Conseil des ministres en juillet.

«C'est tout à fait logique que le gouvernement suive cette option», a déclaré le ministre du Travail, Éric Woerth. Il a cherché à se montrer rassurant en soulignant que «la pénibilité et l'usure au travail» seraient prises en compte dans le cadre de la réforme. Il a précisé qu'elle ne touchera pas les travailleurs qui bénéficient de régimes spéciaux de retraite, déjà réformés il y a quelques années à l'issue d'importantes grèves.

Revirement de Sarkozy

«Les salariés ont compris que le gouvernement a choisi la méthode la plus injuste pour réformer les retraites», a déclaré hier le dirigeant de la CGT, Bernard Thibault. Il considérait la mobilisation d'hier comme une réussite parce que le nombre de participants aurait excédé celui atteint en mars lors d'une journée similaire.

Le gouvernement a parlé pour sa part d'une «faible mobilisation» qui venait «valider sa méthode» relativement à la réforme des retraites.

Quoi qu'il en soit, les syndicats peuvent compter sur l'appui du Parti socialiste dans leur bataille. Après avoir longtemps tergiversé, la première secrétaire de la formation, Martine Aubry, a déclaré au début de la semaine qu'elle était contre le report de l'âge légal de la retraite et renverserait la décision du gouvernement si la gauche sort gagnante des élections prévues en 2012.

Mme Aubry s'en est prise du même coup au président Nicolas Sarkozy, qui a qualifié de «bêtise» la décision de l'ex-président socialiste François Mitterrand de réduire l'âge légal de la retraite de 65 à 60 ans au début des années 80.

Sarkozy avait déclaré en 2008 qu'il ne toucherait pas aux retraites parce qu'il n'en avait pas le mandat.

Son revirement n'étonne pas outre mesure Jean-Baptiste Delalande. «Ce qui serait surprenant, c'est qu'il respecte ses promesses», a-t-il lâché.

Retraite à 67 ans en Allemagne

L'âge légal de la retraite varie considérablement en Europe. Il est de 60 ans en France, et de 67 ans dans des pays comme la Suède et l'Allemagne. Plusieurs États doivent aujourd'hui envisager une révision des régimes en place pour faire face aux coûts du vieillissement de la population et au déclin du poids des travailleurs actifs. La crise financière et la crise subséquente de la dette sont venues exacerber le mouvement. L'Espagne et la Grèce figurent parmi les pays qui ont récemment révisé l'âge légal de la retraite.