La France a accordé mardi une libération anticipée à un Iranien en prison depuis 1991 pour l'assassinat près de Paris de l'ex-premier ministre du chah Chapour Bakhtiar, alimentant le soupçon d'un échange avec la jeune Française Clotilde Reiss libérée par Téhéran dimanche.

Ali Vakili Rad avait été condamné en 1994 à la prison à perpétuité assortie d'une peine incompressible de 18 ans pour l'assassinat de l'ancien premier ministre iranien, exilé en France après la révolution islamique.

«Le tribunal d'application des peines a, par jugement rendu ce jour, admis M. Ali Vakili Rad, au bénéfice de la libération conditionnelle», a indiqué le parquet dans un communiqué. Il est sorti de prison en fin de matinée et devait s'envoler pour Téhéran dans la journée.

L'avocat Karim Lahidji, qui avait représenté la famille de Chapour Bakhtiar lors du procès de son assassin à Paris en 1994, a dénoncé une libération relevant d'un «marchandage avec un État terroriste».

«C'est un échec pour un gouvernement démocratique de céder face à un État terroriste», a déclaré à l'AFP Me Lahidji, un avocat d'origine iranienne qui est aussi vice-président de la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH).

La libération de l'Iranien deux jours après l'arrivée en France de Clotilde Reiss alimente les soupçons de marchandage exprimés par la presse et l'opposition en France. Cette universitaire de 24 ans avait été arrêtée, emprisonnée puis retenue en résidence surveillée pendant 10 mois à Téhéran pour avoir participé à des manifestations d'opposition en juin 2009.

Me Lahidji a cependant admis la légalité de la procédure, malgré les circonstances sordides de l'assassinat de Chapour Bakhtiar. Celui-ci avait été saigné au couteau de cuisine par Ali Vakili Rad et ses deux complices après avoir été «anesthésié pour qu'il ne crie pas», a-t-il rappelé. Les trois tueurs étaient partis ensuite à Genève pour y prendre l'avion en direction de Téhéran, mais Vakili Rad avait raté son vol et avait été arrêté par la police suisse.

Ayant accompli la part incompressible de sa peine, Ali Vakili Rad était libérable depuis près d'un an, mais sa remise en liberté n'était envisageable que si le ministère de l'Intérieur ordonnait son expulsion.

Le gouvernement français s'était refusé depuis des mois à prendre cette décision, mais le ministre de l'Intérieur Brice Hortefeux a annoncé lundi avoir signé l'arrêté d'expulsion.

Paris et Téhéran ont démenti tout marchandage, mais le cas de la jeune française avait été ouvertement comparé il y a quelques mois par le président Mahmoud Ahmadinejad à celui d'Iraniens retenus en France.

Le sort de Clotilde Reiss avait aussi été lié à celui d'un ingénieur iranien, Majid Kakavand, gardé en France depuis mars 2009, à la suite d'une demande d'extradition de la justice américaine l'accusant d'avoir fourni à son pays des composants électroniques ayant de possibles applications militaires.

Kakavand a finalement été relâché le 5 mai dernier par la justice française.

Les États-Unis ont de lors côté pris acte lundi du démenti apporté par Paris aux soupçons de marchandage. «Nous ne pensons pas que ces choses doivent être liées, et nous notons que la France a dit qu'elles n'étaient pas liées», a déclaré le porte-parole du Département d'État Philip Crowley.

Dimanche, le président Nicolas Sarkozy n'avait pas évoqué la polémique, mais remercié «particulièrement» ses homologues brésilien, syrien et sénégalais pour leur «rôle actif» pour débloquer le sort de Clotilde Reiss.

Le ministre brésilien des Affaires étrangères, Celso Amorim, a confirmé lundi le rôle «fondamental» de son pays dans la libération de Clotilde Reiss.