En annonçant son prochain départ de la tête du Labour, Gordon Brown a ouvert la voie à une guerre de succession dont pourrait émerger le nom du futur premier ministre, l'actuel chef de la diplomatie David Miliband faisant déjà figure de favori.

Pour éviter toute cacophonie en pleines négociations avec les libéraux-démocrates, le parti travailliste a fixé des règles strictes: pas question que les candidats se déclarent avant tout accord de gouvernement.

La presse n'a cependant pas attendu pour jauger les mérites comparés des candidats potentiels: David Miliband, son frère Ed, ministre de l'Environnement, son collègue de l'Intérieur, Alan Johnson, ou de l'Education, Ed Balls...

Gordon Brown, qui a essuyé plusieurs tentatives de putsch interne depuis son arrivée au pouvoir en 2007, a créé la surprise lundi en révélant qu'il quitterait la tête du Labour --et donc Downing Street- d'ici le congrès annuel de son parti, fin septembre à Manchester.

Les conservateurs, furieux, ont dénoncé une manoeuvre politicienne visant à faciliter la conclusion d'une «coalition des perdants» entre le Labour, deuxième des législatives, et les libéraux-démocrates de Nick Clegg, troisièmes.

Une telle coalition déboucherait sur une situation qui fait figure de cauchemar absolu pour les Tories, vainqueurs des élections mais sans majorité absolue: Brown, battu dans les urnes, resterait à Downing Street pendant quelques mois, dans l'attente de la nomination d'un remplaçant à la tête du Labour. Lequel lui succéderait automatiquement au poste de premier ministre. Tout comme Brown avait succédé à Blair en 2007: sans avoir remporté d'élection.

Pareil scénario est prévu par la constitution en cas de parlement sans majorité absolue.

Le tabloïde The Sun ironise mardi sur cette guerre de succession: «la course pour devenir le prochain premier ministre travailliste non élu», titre le quotidien populaire, qui soutient les Tories de David Cameron.

Dans cette future lutte fratricide, un homme fait figure de grand favori, aux yeux des médias comme des bookmakers: David Miliband.

À son actif: il est jeune (44 ans), brillant, ancien protégé de Tony Blair, ministre des Affaires étrangères depuis trois ans, respecté par ses pairs à l'étranger au point que son nom a circulé pour le nouveau poste de chef de la diplomatie de l'Union européenne.

En 2008, il fait savoir qu'il est prêt à défier Brown, mais faute notamment d'un soutien suffisant de la base du Labour, il renonce in extremis. Une photo prise peu après, le montrant tout sourire, tenant benoîtement une banane à la main, lui attirera de nombreux ricanements.

Sur sa route, il trouvera sans doute Ed Balls, le bouillonnant ministre de l'Education. À 43 ans, cet ancien élève d'Oxford et d'Harvard n'a pas l'aura internationale d'un Miliband, mais il a conseillé M. Brown sur les questions économiques pendant une dizaine d'années. Un atout au moment où le prochain gouvernement devra s'atteler en priorité à redresser l'économie.

Le jovial ministre de l'Intérieur Alan Johnson, 59 ans, un ancien facteur très populaire auprès des militants, pourrait être tenté par l'aventure.

De même que le propre frère de David Miliband, Ed, 40 ans, ministre de l'Environnement. Il pourrait concilier les partisans de Brown et de Blair au sein du Labour, juge la presse. Le député Jon Cruddas, 48 ans, pourrait lui aussi se lancer, fort du soutien probable de l'aile gauche du parti.

Cette élection d'un nouveau leader travailliste, la première depuis 1994 (Gordon Brown ayant succédé à Tony Blair sans rival), devrait durer tout l'été. Trois collèges différents devront se prononcer: les élus, les membres du parti et les organisations affiliées comme les syndicats.

L'heureux élu devrait être «sacré» par le parti lors de son congrès annuel fin septembre.