La campagne électorale la plus excitante et la plus serrée depuis une génération tire à sa fin. Les Britanniques voteront-ils aujourd'hui pour la nouvelle vedette politique, Nick Clegg? Ont-ils pardonné à Gordon Brown sa gaffe? Donneront-ils le pouvoir à David Cameron, qui s'est démené comme un diable jusqu'à la dernière minute? Tous les scénarios sont permis.

Elisa Beattie, 25 ans, prévoit voter aujourd'hui pour Nick Clegg, chef libéral-démocrate. Cependant, comme 38% de l'électorat, il est possible qu'elle change d'idée une fois devant le bulletin de vote.

«J'aime beaucoup Clegg, comme la plupart de mes amis, dit la Londonienne, étudiante en commercialisation de la mode. Mais je veux examiner davantage ses politiques.»

Malgré l'indécision de l'électorat, l'étoile de Nick Clegg refusait de pâlir hier, à quelques heures d'un scrutin des plus incertains.

«Vous savez que si David Cameron ou Gordon Brown gagne les élections, rien ne changera vraiment dans ce pays», a dit hier le politicien de 43 ans à une foule en liesse à Eastbourne, dans le sud-est de l'Angleterre.

Des jeunes femmes ont crié «Nous t'aimons Nick !» alors qu'il tentait de se frayer un chemin jusqu'à sa limousine.

La gaffe de Brown

Son populaire homme des finances, Vince Cable, a mis la main à la pâte en rencontrant de jeunes entrepreneurs à Camden, fief londonien des travaillistes.

Sa bonhomie n'avait pas réussi à convaincre Kes Tygesen, qui préférait toujours Gordon Brown. «Je sais qu'il n'est pas l'homme le plus charmant, mais j'aime ses mesures pour les petites entreprises», dit le fondateur d'une jeune entreprise.

L'actuel premier ministre devait encore, d'ailleurs, s'expliquer sur le «Bigotgate», sa gaffe commise la semaine dernière lorsqu'il a qualifié une électrice de «sectaire». «Je suis retourné voir la femme pour m'excuser», a assuré Gordon Brown à la radio de la BBC hier.

Jouant le tout pour le tout, le réservé Gordon Brown a pris des bains de foule à répétition.

La veille, il a tendu la main aux électeurs indécis. «Votez pour un parti qui défend vos valeurs. Rentrez à la maison avec les travaillistes», a-t-il déclaré à Manchester.

Les conservateurs, de leur côté, ont aussi mis les bouchées doubles.

Soucieux de démontrer qu'il a l'énergie pour diriger un gouvernement, David Cameron a sillonné le pays dans un dernier sprint de 24 heures à bord d'un autocar.

Bisbilles en vue?

Les sondages prédisent un gouvernement minoritaire pour son parti, qui plafonne à 35% des intentions de vote. Ce serait du jamais vu depuis 1974. Durant toute la campagne, David Cameron a tenté de convaincre l'électorat de lui confier un «mandat clair» pour sortir le pays de ses difficultés économiques.

«Sinon, les bisbilles et les magouilles paralyseront le Parlement», a-t-il prévenu encore et encore.

Dans l'éventualité d'un gouvernement minoritaire, les libéraux-démocrates pourraient jouer les faiseurs de roi. Nick Clegg a refusé de nommer le parti qui obtiendrait son appui. Si les résultats des sondages d'hier se confirment aujourd'hui au moment du scrutin, les conservateurs et les travaillistes seront à égalité avec environ 270 sièges.

Avec 26% des intentions de vote, les libéraux-démocrates n'obtiendraient pas plus de 80 sièges. Nick Clegg a d'ailleurs plusieurs fois dénoncé le système électoral majoritaire à un tour, semblable à celui du Canada, qui désavantage les petits partis.

Encore faut-il que les sondages se révèlent fidèles à la réalité. L'incertitude ambiante a provoqué la ruée dans les maisons de paris. Les Britanniques, qui peuvent miser autant sur le sport que sur la politique, ont parié 40 millions de livres sterling sur l'issue des élections, un record. À en croire la populaire chaîne de paris Ladbrokes, les conservateurs remporteront une majorité de justesse.