La Belgique est entrée dès mercredi en campagne électorale, sans même attendre l'annonce du roi et la convocation officielle du scrutin anticipé, et se prépare à un nouveau psychodrame jeudi au Parlement entre francophones et Flamands.

Avant même qu'Albert II finisse de consulter un à un les dirigeants des partis politiques sur les moyens de sortir le pays de la crise provoquée par la démission du gouvernement, plusieurs formations ont commencé à se mettre en ordre de bataille.

Le premier ministre Yves Leterme a annoncé lors d'une conférence de presse qu'il passait le relais comme chef de file des chrétiens-démocrates flamands à une femme, Marianne Thyssen, chargée de mener la campagne électorale.

En s'effaçant, Yves Leterme prend acte de l'échec de ses trois ans à la tête du pays, marqués par des démissions à répétition et des crises récurrentes entre francophones et Flamands sur l'avenir du royaume.

«Je prends sur moi la responsabilité du constat que jusqu'à présent, les stratégies qu'on a utilisées n'ont pas encore abouti» à l'objectif fixé en 2007, à savoir réformer les institutions du pays, a-t-il ajouté.

C'est la présidente de son mouvement, le CD&V, Marianne Thyssen, 53 ans, qui reprend le flambeau. En cas de victoire en Flandre, elle pourrait devenir la première femme à diriger la Belgique.

«Au CD&V, nous ne sommes pas pour la fin de la Belgique, mais pour une réforme assez profonde, nous ne sommes pas un parti qui plaide pour le chaos», a dit Mme Thyssen, dans un message destiné à rassurer les Européens à deux mois du début de la présidence belge de l'UE.

Les partis francophones, qui craignent qu'une poussée des partis les plus radicaux aux élections rende le pays ingouvernable, ont souhaité jusqu'au bout éviter de repasser devant les urnes.

«Le débat électoral qui a déjà lieu en Flandre démarre un peu vite», a regretté le ministre des Finances, le libéral francophone Didier Reynders.

Alors que des partis ont déjà réservé des espaces publicitaires pour la campagne, M. Reynders a ajouté que les francophones auraient souhaité qu'on laisse le roi achever sa mission.

La présidente des centristes francophones, Joëlle Milquet, a du reste prévenu qu'il n'était pas question que le prochain Parlement rabote les pouvoirs du roi, comme le souhaitent des partis flamands, favorables à une monarchie purement protocolaire.

Mais les dernières consultations royales se sont achevées mercredi sans qu'une majorité de rechange se dessine et les élections paraissent inéluctables. Elles pourraient avoir lieu le 13 juin.

Yves Leterme a convoqué pour jeudi un conseil des ministres afin de régler l'organisation du scrutin, dont la validité pourrait être contestée en justice.

Son gouvernement est tombé après le départ des libéraux flamands pour dénoncer l'absence de progrès dans les négociations sur la scission de l'arrondissement électoral et judiciaire bilingue de Bruxelles-Hal-Vilvorde. Une revendication de la Flandre vise à limiter les droits linguistiques des francophones vivant sur son sol.

La prochaine étape de cette saga, incompréhensible pour de nombreux Belges, a lieu à la Chambre des députés jeudi. Les partis flamands mènent un baroud d'honneur en tentant de mettre à l'ordre du jour la scission unilatérale de «BHV» dans des conditions très défavorables aux francophones.

Ces derniers envisagent d'utiliser un recours qui permet d'empêcher un vote lorsqu'une communauté linguistique se sent menacée. La réaction des partis flamands, notamment des extrémistes du Vlaams Belang, pourrait alors être virulente dans l'hémicycle.