«Les politiciens sont tous les mêmes», lance un électeur. «Pas moi», répond Esther Rantzen. Pétulante star de la télé, Mme Rantzen se présente aux législatives britanniques promettant de nettoyer les écuries d'Augias après le scandale des notes de frais.

Luton, morne banlieue du nord de Londres, n'avait pas été habituée à faire autant parler d'elle. En mai 2009, le quotidien Daily Telegraph commence à effeuiller une à une les notes de frais des députés.

Plus de la moitié d'entre eux ont abusé du système, se faisant rembourser plus d'un million d'euros, d'une île flottante pour canard à des intérêts de prêts immobiliers pour des propriétés qu'ils ne détenaient plus.

Dans le lot, Margaret Moran, députée travailliste de Luton, a réclamé 20.500 livres (23.550 euros) pour traiter la moisissure dans sa résidence secondaire à Southampton (sud).

Fuyant la presse, elle s'était de plus dite «malade» mais des caméras cachées l'avaient filmée en train de proposer ses services de lobbyiste à une société fictive, une dernière gaffe qui a fait de Margaret Moran le symbole du retentissant «scandale des notes de frais».

«Margaret Moran s'est tellement mal comportée, c'est odieux», enrage Esther Rantzen, qui se présente en candidate indépendante.

C'est ce «dégoût» qui a poussé cette star de la télé à se lancer en politique. «Esther», comme l'appelle tout un pays, a acquis une célébrité nationale après plus de vingt ans à la tête d'une émission de la BBC, disparue en 1994, qui clouait devant leur écran jusqu'à 22 millions de téléspectateurs.

Contre les députés «ripoux», Mme Rantzen parcourt avec une énergie sans pareil les alignements monotones de HLM de Luton, tentant son credo dans les entrebaillements de portes qui veulent bien s'ouvrir. «Si j'étais élue, je rendrais tous les ans un rapport à mes électeurs qui auraient le droit de me démettre», promet-elle.

Avec son élégante robe pourpre, ses escarpins vernis et son sourire hollywoodien, la pétulante télé-célébrité pourrait passer pour une Martienne à Luton, modeste banlieue durement frappée par la crise et à forte proportion d'immigrés.

Dans les quartiers populaires où l'intonation indienne est plus commune, la vénérable lady de 69 ans promène son accent des beaux quartiers et une politesse délicieusement surannée, donnant du «how do you do?» («comment allez-vous?») aux gamins faisant des ronds en BMX parmi les poubelles des lotissements.

Elle n'habite pas cette banlieue déshéritée mais le village très huppé de Hampstead, dans le nord de Londres. Elle promet cependant, si elle est élue, d'ouvrir «une base» dans la ville.

Mais ce décalage ne semble pas gêner les Lutoniens. Au passage d'Esther, des voitures s'arrêtent, son prénom est crié, et on ne cesse de la stopper pour se faire prendre en photo à ses côtés.

«Les gens reconnaissent Esther, à la différence des autres candidats», assure Clive Gresswell, un membre de son équipe de bénévoles, pointant du doigt le nouvel homme du Labour, Gavin Shuker, qui, à seulement 28 ans, a reçu la difficile tâche de maintenir la ville dans le giron travailliste, après que Margaret Moran soit interdite de nouveau mandat.

Le Labour avait gagné la circonscription d'environ 70.000 électeurs avec une confortable avance de 5.600 voix. Mais les électeurs sont tellement «dégoûtés» que le fief «rouge» pourrait bien vaciller, assure Esther.

Cependant, parmi les onze candidats qui se présentent à Luton, ce pourrait bien être le parti de l'abstention qui l'emporte le 6 mai. «Les députés devraient être en prison. C'est pour ça que personne n'aura ma voix», assène un habitant visiblement en colère, avant de claquer sa porte.