La Belgique s'est donnée quelques jours samedi pour tenter de régler un contentieux entre francophones et Flamands et éviter la convocation d'élections anticipées, qui aggraverait encore la crise politique du pays à deux mois de sa présidence de l'Union européenne.

Le gouvernement d'Yves Leterme est démissionnaire depuis jeudi mais pas encore démissionné, car le roi, dont l'aval est indispensable, cherche à éviter le chaos en poussant les deux camps à renouer les fils du dialogue.

Albert II a annoncé samedi avoir confié au ministre des Finances Didier Reynders une mission en ce sens.

M. Reynders va devoir «s'assurer dans un très court délai de ce que les conditions sont remplies pour la reprise rapide des négociations» sur les problèmes institutionnels du pays, et en particulier celui des droits linguistiques des francophones dans la banlieue flamande de Bruxelles, selon un communiqué.

Cette question, liée au district bilingue de «Bruxelles-Hal-Vilvorde», a été à l'origine de la démission jeudi du gouvernement d'Yves Leterme, en provoquant le départ de la coalition au pouvoir du parti libéral flamand, l'Open VLD, mécontent de l'absence de progrès.

Les Flamands veulent remettre en cause des droits linguistiques spéciaux accordés depuis les années 1960 aux quelque 100 000 francophones vivant dans la banlieue flamande de Bruxelles, au nom de l'homogénétité territoriale et linguistique de leur région.

Les francophones exigent d'importantes contreparties pour envisager leur limitation.

La désignation de M. Reynders pour tenter de sortir de l'ornière est significative à plus d'un titre.

D'abord, c'est un francophone qui prend le relais comme médiateur dans ce conflit après que plusieurs responsables flamands se furent cassés les dents, le dernier en date étant l'ex-Premier ministre Jean-Luc Dehaene.

Surtout, M. Reynders est président d'une formation pivot, le parti libéral francophone MR.

Il compte en effet en son sein le mouvement des Fédéralistes démocrates francophones (FDF), considéré comme le plus dur dans le camp francophone sur les questions linguistiques et rendu responsable de la chute du gouvernement par les Flamands mais aussi par certains francophones.

Le fait que M. Reynders se pose à présent en homme de compromis pourrait signifier qu'il est prêt désormais à transiger en passant outre le FDF.

Le président de l'Open VLD Alexander De Croo a prévenu samedi que «la balle est dans le camp» des francophones et qu'ils doivent prouver dans un délai «très très court» qu'un compromis est possible.

Faute de quoi, les partis flamands passeront en force en supprimant d'autorité les droits linguistiques controversés lors d'un vote à la Chambre des députés où ils détiennent la majorité. Et ce peut-être dès jeudi prochain.

Les partis belges parviendront-ils à régler en quelques jours un dossier sur lequel ils butent depuis des années?

La pression extérieure sert d'aiguillon avec une présidence tournante de l'UE qui se profile en juillet et que la Belgique ne veut pas débuter en pleine déliquescence.

Le Premier ministre néerlandais Jan Peter Balkenende a téléphoné vendredi à Yves Leterme pour s'entretenir de la situation politique en Belgique qu'il a jugée «ennuyeuse».

La situation rejaillit indirectement aussi sur le président de l'UE, le Belge Herman Van Rompuy, qui fut le prédécesseur de M. Leterme.

M. Van Rompuy a émis l'espoir «que le bon sens vaincra» et qu'il pourrait bientôt travailler avec un gouvernement belge «rénové, revigoré, réinstallé», dans une déclaration à la chaîne flamande VRT.