Près de quinze ans après les guerres des années 1990, les présidents serbe et croate, Boris Tadic et Ivo Josipovic, ont en l'espace de deux semaines eu des gestes forts en faveur de la réconciliation dans les Balkans, un processus longtemps gelé mais qui sera encore long.

Le Parlement serbe a ainsi adopté, le 31 mars, une résolution condamnant le massacre de 8000 musulmans bosniaques à Srebrenica en juillet 1995 par les forces serbes bosniaques, un texte en faveur duquel le président Tadic a oeuvré activement.

Et le président croate, dans une initiative sans précédent, a présenté ses «regrets» devant le Parlement bosniaque, le 14 avril, pour le rôle de son pays pendant la guerre de Bosnie (1992-1995).

Le lendemain, Ivo Josipovic se recueillait dans le village d'Ahmici, lieu emblématique du conflit, où 116 civils musulmans ont été tués en avril 1993 par les forces croates de Bosnie.

La Serbie et la Croatie sont les pays les plus importants issus de l'ex-Yougoslavie, par leur population et la taille de leur économie.

Le fait que leurs dirigeants décident d'aller de l'avant pour surmonter l'héritage d'un passé de conflits ne peut qu'être bénéfique pour l'ensemble de la région, selon Ivan Vejvoda, du centre d'analyses «Balkan Trust for Democracry».

L'entente entre les deux présidents qui se sont rencontrés à trois reprises en moins d'un mois, paraît évidente et M. Josipovic a réitéré vendredi son souhait de voir la question des plaintes réciproques pour génocide déposées par la Serbie et la Croatie devant la Cour internationale de justice (CIJ) résolue d'une «autre manière», autrement dit en dehors de la Cour.

M. Tadic avait préconisé la même chose fin mars. Il a souhaité vendredi que la Serbie et la Croatie fassent preuve d'une «véritable maturité» en abordant «différemment de la manière traditionnelle les problèmes du passé». Il a aussi prôné des «réunions de gouvernements communes», chose impensable jusqu'ici.

Le plaintes réciproques pour génocide pendant la guerre d'indépendance de la Croatie (1991-1995), constituent l'obstacle principal à une véritable impulsion des relations bilatérales.

Zagreb dénonce le rôle des Serbes de Slobodan Milosevic. Belgrade accuse les Croates d'exactions massives contre les Serbes de Croatie.

L'attitude de déni devant les atrocités commises a été longtemps la plus partagée dans les Balkans.

«L'un des maux des Balkans est que les gens sont uniquement disposés à évoquer les victimes dans leur propre nation et non pas celles des autres», déclarait en janvier le président Tadic à une télévision bosniaque.

«Jusqu'à présent, les dirigeants (...) avaient rendu hommage uniquement aux victimes de leur propre camp tout en condamnant les seuls crimes des autres», écrivait samedi l'analyste Jelena Lovric dans le quotidien croate Jutarnji List.

Il n'en reste pas moins que le processus de réconciliation, favorisé par l'Union européenne à laquelle aspirent tous les pays des Balkans occidentaux, sera encore très long, tant les réticences politiques et psychologiques sont fortes.

Les réactions à la résolution du Parlement serbe sur Srebrenica et aux gestes d'Ivo Josipovic en Bosnie sont révélatrices. Les musulmans bosniaques déplorent que le mot de génocide n'ait pas été retenu dans la résolution, les Serbes bosniaques estiment qu'on fait fi des exactions commises contre eux.

Quant à Ivo Josipovic, il a soulevé une tempête dans la classe politique croate par ses initiatives en Bosnie, suscitant la colère de la Première ministre, Jadranka Kosor, qui lui a reproché de ne pas l'avoir consultée.