La querelle entre néerlandophones et francophones de Belgique, un temps reléguée au second plan par la crise économique, a resurgi mercredi avec fracas, les durs des deux camps jouant la surenchère avant des négociations difficiles sur l'avenir du pays.

Un responsable francophone a assimilé la position de la Flandre à l'occupation nazie pendant la Deuxième guerre mondiale.

Les hostilités avaient été ouvertes la veille par le ministre de l'Intérieur de la région de Flandre (nord), Geert Bourgeois, membre d'un parti indépendantiste, la NVA, en pleine ascension selon les sondages.

Il a signifié un refus définitif de nommer trois maires francophones de la périphérie flamande de Bruxelles.

Élus en octobre 2006, ces maires ne sont toujours pas validés pour cause de violation de la législation linguistique flamande. Ils ont adressé des documents électoraux en français à leurs administrés francophones, majoritaires dans ces trois communes de Crainhem, Wezembeek-Oppem et Linkebeek, voisines de Bruxelles mais situées en Flandre.

La mesure renouvelle une décision déjà prise deux fois par le prédécesseur de M. Bourgeois, le libéral flamand (VLD) Marino Keulen, mais elle est présentée comme irrévocable.

Et surtout, elle intervient alors que des négociations entre les deux communautés sur la réforme institutionnelle du pays réclamée par la Flandre, pour accroître son autonomie régionale, devraient reprendre après Pâques.

L'ex-premier ministre Jean-Luc Dehaene, mandaté pour préparer cette réforme, remettra son rapport vers le 19 avril.

Sa proposition la plus attendue porte sur la question clé du district bilingue de Bruxelles Hal-Vilvorde (BHV), dont la Flandre réclame la suppression au grand dam des 100.000 francophones de la banlieue bruxelloise.

Voyant le danger, le Parti socialiste francophone (PS) a appelé les «modérés» à «ne pas tomber dans le piège» de la NVA.

Un appel que le dirigeant historique des plus radicaux des francophones de Bruxelles et de sa région, Olivier Maingain, n'a pas écouté.

D'autant que certains des maires visés appartiennent au parti qu'il préside, celui des Fédéralistes démocrates francophones (FDF), aile du Mouvement réformateur (libéral).

Soulignant que M. Bourgeois a demandé par courrier aux conseils municipaux de nommer trois autres maires, M. Maingain s'est insurgé: «Où va-t-on? Ce sont des pratiques - j'ose l'expression qui est très forte - dignes de l'Occupation allemande (...) lorsqu'on désignait des bourgmestres parce qu'ils étaient les alliés de l'occupant», a-t-il déclaré au journal La Libre Belgique.

Par cette évocation incendiaire de la Deuxième Guerre mondiale, le leader du FDF a sciemment remué une question très sensible en Belgique, l'Allemagne nazie ayant favorisé le sécessionnisme flamand.

Un grand père du chef de la NVA, Bart De Wever, était membre d'un parti nationaliste largement collaborationniste, le VNV.

L'autre grand parti indépendantiste flamand actuel, le Vlaams Belang, est classé à l'extrême-droite.

M. Maingain met en garde: «Un accord sur BHV sans élargissement de Bruxelles et sans l'entrée de ces communes dans la Région bruxelloise, cela se fera sans le MR et le FDF!».

Les déclarations de M. Maingain, devenu au fil des années la bête noire de la Flandre, ont provoqué la colère des partis chrétien-démocrate et libéral flamands siégeant au gouvernement fédéral, qui ont exigé qu'il retire ses propos «très exagérés» et «offensants».

Leurs partenaires libéral et centriste francophones, eux, ont préféré mettre l'accent sur la «très mauvaise décision» de Geert Bourgeois ou réclamé la fin de ces bagarres «de bac à sable».