Le double attentat commis lundi par des femmes kamikazes dans le métro de Moscou pourrait constituer une vengeance des rebelles du Caucase après une offensive des forces russes dans laquelle deux de leurs leaders emblématiques ont récemment été tués, estiment des experts.

L'attaque, qui a fait lundi au moins 37 morts, en plus de deux femmes kamikazes, est le premier acte terroriste d'ampleur depuis six ans dans la capitale russe. Elle survient sur fond d'opérations d'envergure dans le Caucase russe visant la rébellion islamiste.

«Les explosions à Moscou ne sont pas surprenantes: les combattants annonçaient le jihad en Russie depuis fin décembre», explique à l'AFP l'analyste Alexeï Malachenko de la Fondation Carnegie.

Les menaces des rebelles, publiées généralement sur leur site kavkazcenter.com, se sont intensifiées ces dernières semaines après la mort de deux de leurs leaders, note l'expert.

Mercredi dernier, les forces de l'ordre ont abattu un proche allié du chef tchétchène Dokou Oumarov, Anzor Astemirov, personnage assez populaire chez les rebelles et responsable notamment d'une attaque en octobre 2005 en Kabardino-Balkarie (Caucase du Nord) qui avait fait plus de 100 morts.

Le 6 mars, le FSB avait annoncé avoir abattu en Ingouchie (Caucase russe) un autre chef de la guérilla islamiste, Saïd Bouriatski, auteur selon les services secrets de l'attentat contre le train Nevski Express le 27 novembre, qui avait fait 28 morts.

Selon le centre américain d'analyse spécialisé IntelCenter, «la version la plus probable est que l'Émirat du Caucase dirigé par Dokou Oumarov est derrière» les explosions à Moscou.

Ses membres ont menacé à deux reprises ces derniers mois de s'en prendre «à des civils russes à domicile», note-t-il. «Ce groupe a à la fois démontré sa capacité à mener ce genre d'attentat et en a exprimé l'intention», relève-t-il dans une note.

Pour M. Malachenko, le double attentat vise à «venger les leaders morts».

«Une nouvelle génération de combattants a poussé dans le Caucase où deux nouvelles écoles de kamikazes ont récemment ouvert», note l'expert.

Nikolaï Kovalev, ex-chef du FSB aujourd'hui député, pense également que les femmes qui ont commis les attaques de lundi sont sans doute «des proches de Saïd Bouriatski».

Leurs actes, dont l'un a été commis près du siège du FSB, à la station Loubianka, «sont une réponse à l'opération mise en oeuvre avec succès à l'encontre des groupes hors-la-loi dans le Caucase du Nord», a-t-il dit à l'agence Rosbalt.

Mais pour nombre d'experts, les explosions du métro démontrent surtout l'échec de la stratégie gouvernementale.

«Les combattants caucasiens pratiquent depuis 2007 l'islam le plus extrémiste (...) mais leur terrorisme canalise un mécontentement» général de la population, dont «les droits sont régulièrement foulés aux pieds», estime Oleg Orlov, directeur de l'ONG Memorial.

«Malgré les efforts du pouvoir pour établir un dialogue avec le Caucase du Nord, il n'y a toujours pas de changements visibles dans cette région», note Grigori Chvedov, chef du portail d'informations indépendant kavkaz-uzel.ru.

«Les droits de l'Homme y sont toujours violés (...) ce qui renforce la base du terrorisme», dit M. Chvedov qui affirme craindre «une poursuite des actes terroristes en dehors du Caucase».

Fin janvier, le président Dmitri Medvedev a fait une nouvelle tentative pour stabiliser cette région en nommant à sa tête un influent homme politique et entrepreneur, Alexandre Khloponine, dans l'espoir qu'un redressement économique parvienne à enrayer la spirale de violence.

«L'attaque terroriste peut être perçue comme une réponse asymétrique de l'opposition islamique à cette nomination», juge M. Malachenko.