La Vierge Marie a choisi de se manifester à travers une icône appartenant à une famille orthodoxe vivant au nord de Paris, à un jet de pierre de l'aéroport du Bourget.

C'est du moins la conviction de centaines, voire de milliers de personnes qui convergent depuis des semaines vers le pavillon des Altindagoglu, dans la petite commune de Garges-lès-Gonesse.

 

La mère de cette famille très pratiquante d'origine turque, Sevim, a constaté avec étonnement quelques jours avant le début du carême que l'icône en question s'était mise à «suinter», libérant d'importantes quantités d'un produit huileux qu'elle assimile à des larmes.

«C'est un grand message pour nous, pour tout le monde. Pour que les gens aient la foi», explique la dame, rencontrée jeudi à sa résidence dans un moment de repos.

À un certain moment, explique-t-elle, le suintement était très marqué, générant des coulisses sur le mur sous l'icône. La Presse a pu sentir jeudi au toucher une pellicule huileuse à la surface de l'oeuvre, mais il n'y avait aucun écoulement visible.

«Ça coule moins. Peut-être que ça va s'arrêter complètement pour Pâques. On ne sait pas», confie l'une des filles de la famille, Christine, qui voit aussi le phénomène comme une forme de «message».

Ses parents, dit-elle, en ont parlé à l'église locale, provoquant les premières visites. Et le bouche-à-oreille a fait son oeuvre jusqu'à ce que les médias locaux, et finalement internationaux, lui donnent un large écho.

 

Photos d'enfants malades

Plusieurs croyants sont revenus plusieurs fois pour se recueillir et prier, laissant des bouquets de fleurs qui s'empilent. Certains visiteurs, remplis d'espoir, ont laissé des photos de leur enfant handicapé ou malade. L'un d'eux a même placé à proximité de l'icône une copie des papiers présentés pour obtenir un titre de séjour.

Les journalistes qui se succèdent dans la petite résidence évoquent tous à tour de rôle de possibles causes scientifiques, comme un écoulement de résine dû à un chauffage prononcé. D'autres se moquent ouvertement de la famille. Les envoyés d'une chaîne se sont félicités à l'écran de recueillir de l'huile en vue d'en faire une mayonnaise.

La famille, qui a moyennement apprécié la blague, ne s'émeut pas des manifestations de scepticisme.

Pas plus qu'Hanni Hanna, une amie de la famille qui s'est recueillie devant l'icône cette semaine.

«C'est la mère de Dieu qui nous parle», a lancé la petite femme grisonnante en joignant les mains. «Je lui ai demandé beaucoup de choses, mais c'est secret.»

 

Plus de vie privée

Pour retrouver un semblant de vie privée, les Altindagoglu ont décidé désormais de limiter les visites au mercredi.

«On n'avait plus de vie privée. Les gens venaient à tout moment. Il y en a même qui sonnaient au milieu de la nuit», souligne Catherine, qui a vu défiler en un après-midi plus de 400 personnes.

Comme pour confirmer l'engouement populaire, une automobiliste postée devant la porte a apostrophé la jeune femme alors qu'elle reconduisait le journaliste de La Presse. «Vous êtes certaine qu'il n'est pas possible de la voir aujourd'hui?», a-t-elle lancé avant de repartir l'air dépité. Le même ménage s'est répété deux minutes plus tard.

Les allées et venues chez les Altindagoglu n'ont pas échappé aux résidants du quartier, qui ne s'étonnent plus de voir passer des équipes de télévision et des visiteurs provenant de pays voisins ou de plus loin encore.

«Vous venez voir la Vierge qui pleure? C'est au 106», a lancé le facteur après que La Presse lui eut simplement demandé où se trouvait la rue Jean-Moulin.

L'homme a vu l'icône mais ne sait trop quoi en penser. «La dame me l'a montrée mais je n'avais pas mes lunettes alors je n'ai pas bien vue», s'excuse-t-il.

Lucie Béranger, qui habite tout près de la résidence des Altindagoglu, hésite un peu lorsqu'on lui demande ce qu'elle pense du suintement de l'icône.

«Je trouve que ce n'est pas normal. Quand même, ça fait presque un mois que ça dure», lance la vieille dame, qui se dit croyante.

«Après tout, pourquoi pas? Moi j'y crois... Si ce sont des larmes, peut-être effectivement que la Vierge veut exprimer quelque chose. Mais pour expliquer le message, ce sera difficile», conclut-elle.