Le premier ministre britannique Gordon Brown est reconnu comme un bourreau de travail. Mais est-il aussi un bourreau pour ses employés? Un livre explosif, qui vient de paraître, dresse le portrait d'un premier ministre paranoïaque et colérique qui terrorise son entourage. À quelques mois d'élections générales, les démons intérieurs de Gordon Brown pourraient mettre en péril sa carrière politique.

Un secrétaire empoigné par le collet. Un conseiller bousculé. Des assistants couverts de jurons. Les querelles entre Gordon Brown et ses employés, détaillés dans un livre paru dimanche, remettent en question ses capacités à gouverner le pays. Malgré son opération de sauvetage, Downing Street est dépassé par les révélations-chocs distillées dans les médias depuis quelques jours.

Encore jeudi, on a appris que l'ancien premier ministre Tony Blair a été victime de son tempérament explosif en septembre 2006. Lors d'une violente dispute, Gordon Brown lui a crié à répétition: «Tu as ruiné ma vie!» Il l'a accusé de bloquer sa succession à Downing Street et de comploter un coup «trotskyste» contre lui.

À l'époque, il s'impatientait face à Tony Blair qui tardait à annoncer sa retraite pour lui céder le pouvoir.

Le journaliste qui expose ainsi ses squelettes est Andrew Rawnsley, chroniqueur à l'hebdomadaire dominical The Observer. Il assure que son essai, The End of the Party, est basé sur des «sources sûres». «Toute information de l'ordre de la rumeur a été écartée», a-t-il soutenu.

Une culture d'intimidation

Son livre présente un homme colérique qui frappe sur les meubles, rudoie ses employés et jure comme un charretier.

«J'ai eu toutes sortes d'objets lancés sur moi», affirme un vétéran de sa «cour» cité par l'auteur. «Des journaux, des crayons, des canettes de Coke.»

Un haut fonctionnaire, Gus O'Donnell, l'aurait averti que son comportement était inacceptable. Une «allégation malicieuse», niée par le porte-parole du premier ministre.

Gordon Brown a démenti avoir déjà levé la main sur quelqu'un. «Soyons clairs: je n'ai jamais, jamais frappé quelqu'un de ma vie... Bien sûr, je peux me fâcher, mais surtout contre moi-même», a-t-il affirmé dans une entrevue humiliante au réseau Channel 4.

Au lendemain de ces démentis, la directrice d'un centre d'aide aux victimes d'harcèlement, Christine Pratt, a révélé que des employés de Downing Street avaient pris contact avec sa ligne d'écoute téléphonique.

Son propre ministre des Finances, Alistair Darling, a lui-même insinué mardi dernier l'existence d'une culture d'intimidation. Après avoir prédit une grave récession en 2008, il dit avoir subi les foudres de l'entourage de son patron.

Un effet boomerang?

En marge des déclarations, la presse britannique joue au psychologue avec le chef du gouvernement. Une psychanalyste s'est même penchée sur des extraits du brûlot, à la demande du Guardian. Son diagnostic: un homme stressé, méfiant et fatigué.

Mais sa femme, Sarah Brown, qui jouit d'une bonne cote de popularité, a dit ne pas reconnaître son mari dans ces accusations. «L'homme que j'aime est fort, travailleur et honnête, a-t-elle dit à la télévision. Il est intègre.»

L'acharnement des médias pourrait jouer en faveur du premier ministre sortant, croit l'analyste politique Patrick Dunleavy, professeur de la London School of Economics. «Au bout du compte, les gens préfèrent avoir un dirigeant passionné et travaillant qui pète les plombs de temps à autre, qu'un politicien souriant mais sans substance.»

 

VERS DES ÉLECTIONS

Le portrait psychologique dévastateur de Gordon Brown est dressé alors que des élections générales sont imminentes au Royaume-Uni. D'ici à juin, les Britanniques seront appelés aux urnes. Deux candidats principaux se disputent leurs faveurs: le travailliste Gordon Brown et le conservateur David Cameron, en avance dans les sondages. Mais malgré les déclarations sulfureuses publiées sur la personnalité de son chef, le Parti travailliste continue de gruger l'avance des conservateurs: un sondage vient de le placer à cinq points des meneurs.