La Grande-Bretagne a-t-elle fait un pas vers la légalisation du suicide assisté? Les nouvelles directives du procureur général sur cette épineuse question ont soulagé hier les militants en faveur de changements à la loi.

Pour la première fois, le chef des procureurs, Keir Starmer, a mis en lumière 22 facteurs qui détermineront à l'avenir si une personne complice d'un suicide sera poursuivie en justice ou non.

L'accent est mis sur les motifs du «suspect». Par exemple, l'historique de sa relation avec le suicidé sera scruté pour évaluer s'il a agi par malice ou par compassion. L'enquête établira aussi si la «victime» avait été pressée de mettre fin à ses jours et si elle était physiquement capable de le faire.

En revanche, si le suicidé avait clairement fait savoir son intention de mourir, s'il était majeur et mentalement apte à prendre cette décision, une inculpation serait peu probable.

Le suicide assisté demeure un crime passible de 14 ans de prison, a toutefois insisté Keir Starmer. «Ces lignes directrices ne changent pas la loi. Elles n'ouvrent pas la porte à l'euthanasie. Elles offrent un cadre aux procureurs qui doivent décider quels cas porter devant la justice.»«Un nouveau souffle»

La loi n'aurait jamais été clarifiée sans la volonté de Debbie Purdy. Atteinte de sclérose en plaques, elle s'est battue jusqu'à la plus haute instance judiciaire, les juges lords, pour forcer les autorités à trancher ce flou juridique.

Au moins 120 Britanniques sont morts à Dignitas, une «clinique du suicide» établie en Suisse. Or, aucun des proches qui les avaient accompagnés n'a été inculpé.

La loi, qui date de 1961, était appliquée à la discrétion des procureurs jusqu'à la victoire de Debbie Purdy. «Ces directives me donnent un second souffle», a affirmé hier la femme de 47 ans, qui envisage aussi de terminer ses jours à Dignitas avec l'assistance de son mari.

Un débat émotif

Malgré ces avancées, certains militants apportaient un bémol hier. Les lignes directrices incriminent explicitement les professionnels de la santé mêlés à un suicide assisté, fait remarquer Lesley Close, qui a accompagné son frère en Suisse en 2003. Or, ils sont les mieux placés pour aider les familles, selon elle.

«Des gens ont improvisé des surdoses de médicaments, avec des conséquences désastreuses», dit-elle. Elle cite l'exemple de Barrie Sheldon, un septuagénaire dont la femme a agonisé pendant quatre jours avant de mourir. Atteinte de la maladie de Huntington, elle avait avalé 4 g d'antidépresseurs.

Barrie Sheldon a brisé le secret de sa mort samedi dernier «pour défier l'hypocrisie des autorités». D'ailleurs, les confessions fracassantes, au risque d'ennuis avec la justice, se font plus fréquentes.

Le documentariste Ray Gosling a avoué en ondes avoir tué par compassion un ancien amant sidéen la semaine dernière. La police a interrogé pendant quelques heures l'homme de 70 ans.

Le premier ministre Gordon Brown s'est prononcé contre la légalisation du suicide assisté mercredi dernier, arguant que les soins palliatifs peuvent apporter une fin digne aux mourants. Il va à contre-courant de l'opinion publique: plus de 80% aimeraient que la loi soit assouplie, selon un sondage réalisé au mois de janvier.