Le Premier ministre ukrainien Ioulia Timochenko a annoncé samedi qu'elle entendait contester en justice le résultat de l'élection présidentielle de dimanche, ouvrant une nouvelle ère d'incertitude dans un pays exténué par les crises politiques à répétition des dernières années.

«L'élection en Ukraine a été falsifiée», a lancé Mme Timochenko dans une déclaration télévisée à la Nation samedi soir, commentant pour la première fois directement l'annonce des résultats officiels du scrutin du 7 février qui la donnent perdante face à Viktor Ianoukovitch.

«Dans l'ensemble de l'Ukraine, les fraudes potentielles dépassent le million de voix. Ces voix sont tout à fait suffisantes pour notre victoire commune», a-t-elle lancé, alors que son écart avec M. Ianoukovitch s'élève à moins de 890 000 suffrages, soit 3,5 points de pourcentage.

«N'ayez aucun doute: nous avons gagné», a assuré Mme Timochenko. «Mais nos adversaires (...) comprenaient parfaitement qu'ils n'avaient aucune chance d'obtenir le soutien de la majorité des gens par la voie légitime».

«J'ai pris l'unique décision possible, celle de contester le résultat du vote au tribunal. Je vais défendre notre Etat et votre choix en m'appuyant sur des arguments juridiques», a poursuivi le Premier ministre.

«Ne pas aller au tribunal aujourd'hui signifie rendre l'Ukraine à la criminalité sans combat», a-t-elle encore lancé.

Son entourage avait déjà laissé entendre ces derniers jours qu'elle ne reconnaîtrait pas sa défaite, mais le Premier ministre, habituellement adepte d'un style flamboyant, s'était tenue à l'écart des caméras presque toute la semaine, entretenant le suspense sur ses intentions.

«Ianoukovitch n'est pas notre président et, quelles que soient les circonstances, il ne deviendra jamais un président d'Ukraine élu de façon légitime», a encore martelé la chef du gouvernement.

Le scrutin avait été jugé libre et honnête par les observateurs internationaux, mais Mme Timochenko a affirmé que «certains observateurs de l'OSCE» s'étaient déclarés prêts à témoigner de «fraudes systémiques» devant les tribunaux.

Elle a toutefois ajouté qu'elle n'avait pas l'intention d'organiser des protestations massives, comme celles qui avaient marqué la Révolution orange de 2004 et avaient ouvert la voie à une victoire du président actuel Viktor Iouchtchenko face à Viktor Ianoukovitch.

A l'époque, des centaines de milliers d'Ukrainiens étaient descendus dans la rue pour contester le résultat du 2e tour, qui annonçait la victoire de M. Ianoukovitch. Le mandat de M. Iouchtchenko a par la suite été marqué par une série de crises politiques, qui ont profondément déçu les Ukrainiens.

«Je ne vais pas rassembler le Maïdan (haut lieu de la Révolution, ndlr) et ne permettrai pas d'affrontements. L'Ukraine a plus que jamais besoin de stabilité et de calme», a assuré Mme Timochenko, qui n'avait pourtant pas hésité à brandir la menace d'une Révolution bis avant l'élection de dimanche.

M. Ianoukovitch à remporté l'élection avec 48,95% des suffrages contre 45,47% à Mme Timochenko, selon les résultats officiels préliminaires. Il a reçu cette semaine les félicitations de plusieurs leaders mondiaux dont le président américain Barack Obama.

Le camp de Mme Timochenko a néanmoins jugé ces félicitations prématurées et réclamé un nouveau décompte des bulletins dans 1 200 des 34 000 bureaux de vote du pays, dans l'espoir d'obtenir l'invalidation du résultat du vote, puis, éventuellement, un troisième tour de scrutin.