Le procès du crash d'un Concorde d'Air France en juillet 2000 près de Paris, qui fit 113 morts et brisa le mythe du supersonique franco-britannique finalement mis au rancart, s'ouvre mardi devant la justice qui va devoir se prononcer sur les circonstances toujours contestées du drame.

Le 25 juillet 2000, un Concorde d'Air France en partance pour New York de l'aéroport parisien de Roissy-Charles-de-Gaulle prenait feu au décollage et s'écrasait sur un hôtel non loin de là, tuant les 109 personnes à bord, dont une majorité d'Allemands, et quatre au sol.

C'était le premier crash de l'histoire de cet avion emblématique, exploité depuis le début des années 1970 par Air France et British Airways sur des liaisons transatlantiques, et il marqua le début de la fin pour le supersonique, finalement retiré du service en 2003.

Selon le scénario retenu par l'organisme français chargé de l'examen des catastrophes aériennes, le Bureau d'enquêtes et analyses (BEA), la catastrophe a été déclenchée par une lamelle en titane perdue par un DC10 de Continental Airlines qui avait décollé peu avant.

Un pneu du supersonique aurait éclaté après avoir roulé sur cette pièce, les projections crevant un réservoir, et provoquant une fuite de kérosène qui devait entraîner l'incendie.

Après huit ans d'instruction, la justice a décidé de poursuivre pour homicide involontaire Continental Airlines, deux de ses employés, deux anciens responsables du programme Concorde et un ancien cadre de la Direction générale de l'aviation civile (DGAC), garante de la sécurité du transport aérien en France.

L'un des employés de Continental Airlines, John Taylor, accusé d'avoir mal fixé la lamelle, ne sera pas présent au procès et fait l'objet d'un mandat d'arrêt pour ne pas s'être présenté pendant l'instruction, selon son avocat.

Quant aux responsables du programme Concorde et de la direction de l'aviation civile, la justice leur reproche d'avoir sous-estimé les incidents qui ont émaillé la carrière du supersonique, notamment des éclatements de pneus.

La responsabilité d'Air France a en revanche été écartée, même si le BEA avait relevé des défaillances dans la maintenance de ses Concorde, et la compagnie est partie civile au procès.

Mais l'hypothèse retenue est contestée par la défense de Continental Airlines, qui affirme que l'appareil avait pris feu avant de rouler sur la fameuse lamelle.

«Plusieurs témoins déclarent que l'incendie du Concorde a démarré environ 800 mètres avant la rencontre avec cette pièce», affirme l'avocat de la compagnie américaine, Me Olivier Metzner, qui compte plaider la nullité de la procédure.

Un documentaire diffusé la semaine dernière par la chaîne privée Canal +, affirmant se baser sur une trentaine de témoignages, a appuyé cette hypothèse mettant en cause Air France.

Un pneu du Concorde aurait éclaté en franchissant un raccord de piste alors qu'il était fragilisé par la surcharge de l'avion et l'absence d'une entretoise oubliée par les techniciens. Un déflecteur d'eau aurait été arraché, perçant un réservoir et déclenchant l'incendie.

Air France conteste formellement cette version.

Le crash du Concorde avait porté un coup à la réputation de la compagnie nationale française, neuf ans avant celui de son vol Rio-Paris qui a fait 228 morts en juin dernier.

«Cet accident aurait dû être évité», estime Me Roland Rappaport, l'avocat de la famille du commandant de bord Christian Marty, «on connaissait les faiblesses du Concorde depuis plus de 20 ans».

Quant aux familles des passagers, elles ont dans leur grande majorité renoncé à se porter partie civile après avoir touché une forte indemnisation.