Tony Blair a défendu mordicus «et sans le moindre regret» vendredi, devant une commission d'enquête sur l'Irak, sa décision d'entrer en guerre au côté des Américains contre Saddam Hussein qui menaçait selon lui le monde avec des armes «terrifiantes».

«Avez-vous des regrets?» a demandé à trois reprises à l'ancien premier ministre travailliste le président de la commission, John Chilcot, après avoir évoqué la centaine de milliers de victimes du conflit, en conclusion des six heures d'interrogatoire serré.

«Une responsabilité oui, mais je n'ai aucun regret d'avoir renversé Saddam Hussein», a rétorqué, soudain défiant, M. Blair.

«C'était un monstre, Je pense qu'il menaçait non seulement la région, mais le monde entier». «Je pense sincèrement que le monde est plus sûr» sans lui, a-t-il conclu, déclenchant pour la première fois des huées et des cris - «meurtrier», «menteur» - dans la salle impersonnelle où avaient notamment pris place des parents des 179 soldats britanniques tués en Irak.

«Si c'était à refaire, je le referais» avait auparavant lâché le chef du gouvernement britannique de 1997 à 2007, en évoquant longuement «le monde de l'après 11 septembre» 2001 en réponse à la question liminaire: «Pourquoi avons nous envahi l'Irak?»

«Il n'était pas question de prendre le moindre risque. Tout cela devait s'arrêter», a-t-il martelé, accompagnant ses propos de gestes tranchés de la main.

Après les attentats du 11 septembre 2001, «on nous a dit que ces fanatiques religieux utiliseraient des armes chimiques ou biologiques ou nucléaires s'ils pouvaient en obtenir». «Cela a complètement changé notre évaluation des risques» posés par des pays comme l'Irak, l'Iran, la Libye.

La menace incarnée en 2003 par l'Irak perdure en 2010 dans l'Iran voisin «particulièrement dangereux», avec son programme nucléaire et ses liens avec des entités terroristes, a insisté à plusieurs reprises celui qui dirige aujourd'hui le Quartette (États-Unis, UE, Russie et ONU) au Proche-Orient, en semblant suggérer une action militaire contre Téhéran.

La commission d'enquête n'étant pas un tribunal, elle ne prononcera pas de sentence, mais Blair a fait figure d'accusé vendredi.

«Je n'aurais pas fait l'Irak si je n'avais pas pensé que c'était juste», a dit l'ancien dirigeant poursuivi par le dossier irakien qui l'a contraint à écourter son 3e mandat, a terni son bilan, contribué à l'écarter de la présidence de l'UE et nourri son impopularité.

L'avocat de profession au sourire un rien crispé a systématiquement réfuté les critiques.

«Je croyais sans le moindre doute que l'Irak disposait d'armes de destruction massive», (ADM) sur la foi d'informations des services de renseignements, a-t-il dit. Et «le monstre» Saddam avait gazé son propre peuple et provoqué plus d'un million de victimes, a-t-il fait valoir.

 Il a balayé l'argument selon lequel la guerre était «illégale» en raison de l'ambiguïté d'une résolution 1441 de l'ONU sur l'Irak. Une seconde autorisant explicitement l'usage de la force «nous aurait simplifié la vie», s'est-il contenté de reconnaître.

Quant à l'existence d'un pacte secret scellé avec «son ami Bush» en son ranch texan, un an avant la guerre? J'ai convenu - ni plus ni moins - qu'il «fallait traiter Saddam, mais les méthodes étaient ouvertes», sans exclure l'action militaire ni la diplomatie.

 Ceux qui espéraient des révélations à l'occasion de ce fascinant exercice en «archéologie politique», selon l'expression de la BBC, auront été déçus. De même ceux qui attendaient des excuses de la part du dirigeant, arrivé très tôt par une porte dérobée.

«J'aimerais qu'il me regarde dans les yeux et qu'il me dise 'je suis désolé'. Mais il n'en a pas les tripes», a laissé tomber Theresea Evans, dont le fils Llywelyn a été tué au premier jour du conflit.

À l'extérieur, quelques centaines de pacifistes contenus par plusieurs cordons de policiers ont conspué toute la journée Blair «le criminel de guerre».