L'ancien premier ministre, qui était accusé d'avoir participé à une machination contre Nicolas Sarkozy, redevient un rival crédible.

Soupçonné d'avoir participé en 2004 à une machination destinée à compromettre Nicolas Sarkozy, déjà rival du président Chirac et candidat déclaré à la présidentielle, Dominique de Villepin a été totalement blanchi.

Le verdict sur la ténébreuse «affaire Clearstream» est tombé à Paris hier en fin de matinée. Un étrange informaticien du nom d'Iman Lahoud, qui avait fabriqué de fausses listes bancaires impliquant des personnalités publiques, a été condamné à 18 mois de prison ferme. Jean-Louis Gergorin, lui-même ancien vice-président du consortium EADS (Airbus), a été condamné à 15 mois fermes pour avoir utilisé ces fausses listes auprès de la justice de manière à faire accuser Nicolas Sarkozy et ainsi l'empêcher de se présenter à la présidentielle de 2007.

Le supposé complot Clearstream visait à «tuer» politiquement Sarkozy. Celui-ci, en retour, s'était constitué partie civile (plaignant) dans le but avoué de faire condamner Villepin et de l'écarter définitivement de la vie politique.

«Sur un croc de boucher»

À l'époque où l'affaire Clearstream avait circulé dans les médias, Nicolas Sarkozy aurait juré devant témoins, selon plusieurs chroniqueurs, que les responsables «finiraient sur un croc de boucher».

À l'ouverture du retentissant procès, l'automne dernier, Villepin avait déclaré qu'il se retrouvait devant les tribunaux «par la volonté et l'acharnement d'un seul homme: Nicolas Sarkozy». Bref, le procès qu'on lui faisait était éminemment «politique».

Le verdict prononcé hier en sa faveur est donc une très bonne nouvelle pour lui. Comme le président de la République faisait personnellement partie des plaignants, l'ancien premier ministre de Chirac pouvait craindre que les magistrats soient sensibles à cette pression politique inusitée. À la sortie du tribunal, Villepin s'est dit «fier d'être citoyen d'un pays où l'esprit d'indépendance existe encore» et, sans «rancune ni rancoeur», «déterminé à participer au redressement de la France».

Indépendamment de ces pressions présidentielles, Dominique de Villepin, aujourd'hui âgé de 56 ans, avait de quoi redouter la justice étant donné son implication évidente dans ce ténébreux dossier.

Appel et gaffe

Une réunion tenue le 9 janvier 2004 dans son bureau, attestée par plusieurs témoins, avait été consacrée à ces «révélations» produites par Lahoud et Gergorin: plusieurs personnalités françaises avaient des comptes secrets à l'étranger, à commencer par Sarkozy, qui y figurait sous ses deux autres patronymes: Nagy et Bocsa. Bref, il cachait de grosses sommes à l'étranger.

Ces listes bancaires s'étaient révélées par la suite complètement fausses et fabriquées. Mais le tribunal a décidé, hier, que Dominique de Villepin avait toujours cru de bonne foi à l'authenticité de ces documents. Il avait ordonné des «vérifications», mais n'avait pas été partie prenante de cette machination.

Informé de cette décision du tribunal vers midi, le président Sarkozy - qui fêtait hier son 55e anniversaire - a déclaré par communiqué «prendre acte» de cette décision et ne pas avoir l'intention personnellement de faire appel. Geste qui a été considéré par certains médias français comme une nouvelle gaffe de la part du président, car en tant que partie civile, il lui est techniquement impossible d'interjeter appel.

Rien n'interdit cependant au procureur, qui dépend du ministère de la Justice, de le faire de son côté. Mais selon les observateurs, ce n'est pas l'hypothèse la plus probable.

Dominique de Villepin, qui était apparu en 2005 et 2006 comme un candidat possible et séduisant à la présidence, est aujourd'hui la seule personnalité susceptible de se poser en rival de Sarkozy à l'élection de mai 2012. Ou en tout cas de nuire gravement à ses chances de réélection.

 

Homme de l'ombre de Chirac

Ancien homme de l'ombre de Jacques Chirac, dont il était le secrétaire général à l'Élysée, Dominique de Villepin est devenu son ministre des Affaires étrangères en mai 2002. C'est à ce titre que, le 14 février 2004, il a fait un discours mémorable contre la guerre en Irak devant l'ONU. Devenu premier ministre en juin 2005, il a connu une grande popularité avant de trébucher sur le projet de contrat première embauche, qui provoqua des manifestations étudiantes monstres dont il ne se releva pas. Considéré aujourd'hui à droite comme la seule solution de rechange à Nicolas Sarkozy, il était déjà crédité de 8% des intentions de vote à la présidentielle, avant même cet acquittement providentiel dans l'affaire Clearstream.