Les autorités françaises ont commencé à transférer samedi vers des centres de rétention en métropole les 124 migrants découverts la veille en Corse qui se disent Kurdes de Syrie, et enquêtaient sur cet afflux sans précédent de clandestins sur cette île méditerranéenne.

Cette situation inédite a amené le ministre de l'Immigration Éric Besson à souligner que l'île française ne devait pas devenir une destination pour les candidats à l'immigration, et à proposer un sommet européen sur la question.

Généralement, les migrants désireux d'entrer en Europe débarquent en Italie (sur l'île de Lampedusa notamment), en Espagne, en Grèce ou à Malte.

Découverts vendredi matin sur une plage de l'extrême sud de la Corse, et après avoir passé vingt-quatre heures dans un gymnase de Bonifacio, les 57 hommes, 29 femmes et 38 enfants ont commencé à être transférés samedi matin par avion vers des centres de rétention sur le «continent» (territoire français hors Corse).

Là, chacun d'entre eux doit «bénéficier d'une évaluation individuelle de sa situation» et «des services d'un interprète, d'une visite médicale, d'une information sur les dispositifs d'aide au retour volontaire et d'une assistance juridique», selon le ministère de l'Immigration.

La Ligue des droits de l'homme (LDH) a estimé que ce transfèrement vers des centres de rétention constituait une «violation des engagements les plus essentiels» de la France.

«Il ne s'agit pas de clandestins vivant en se cachant sur le sol français mais de réfugiés qui, arrivant sur le territoire de la République, ont le droit absolu (...) de demander asile», affirme la LDH dans un communiqué cosigné par le Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH) et le réseau euro-méditerranéen des droits de l'homme.

Sans papiers d'identité mais en bonne santé et convenablement vêtus, les 124 personnes ont toutes affirmé être des Kurdes de Syrie. Une enquête a été ouverte pour déterminer leur origine exacte et retracer leur périple.

Quelque 80 adultes entendus par des gendarmes ou policiers ont indiqué être partis de Syrie en camion vers la Tunisie, d'où ils auraient embarqué à bord d'un cargo pour la Corse, alors qu'ils souhaitaient aller en Scandinavie, a indiqué le procureur de la République d'Ajaccio, Thomas Pison.

Il s'agirait d'un bateau russe ou ukrainien, selon une source proche du dossier.

Soulignant qu'il existe «beaucoup de zones d'ombre» et que les clandestins semblent avoir reçu des consignes sur «ce qu'ils devaient dire», M. Pison a ajouté que les clandestins avaient payé de 2500 à 10 000 euros par personne à des passeurs.

Le préfet de Corse (représentant de l'État), Stéphane Bouillon a qualifié d'«étonnant» le parcours de ces migrants, «compte tenu du nombre de pays à traverser et de la difficulté de franchissement de certaines frontières».

La veille, il avait souligné que les «passeurs» étaient recherchés «activement (...) pour démanteler de telles filières».

Devant cette situation, le ministre Éric Besson a annoncé vendredi qu'il allait proposer à la présidence espagnole de l'UE d'organiser un sommet de crise sur l'immigration clandestine.

À cette occasion, M. Besson veut proposer la généralisation des patrouilles maritimes conjointes et le déploiement immédiat des renforts opérationnels européens sous l'égide de l'agence européenne de surveillance des frontières (FRONTEX).