La campagne pour le premier tour de l'élection présidentielle en Ukraine s'est achevée vendredi soir sur un dernier concert de promesses de lendemains meilleurs et d'incriminations mutuelles entre les principaux candidats.

La plupart des 18 prétendants en lice pour le scrutin de dimanche ont tenté en un ultime effort de convaincre leurs compatriotes de voter pour eux, la loi les contraignant au silence samedi.Les trois candidats les plus emblématiques, tant par leur fonctions que du fait de leur longévité politique -ils étaient déjà tous présents lors du vote précédent et de la Révolution orange qui en avait découlé fin 2004- sont tous apparus longuement à la télévision vendredi soir.

Le favori des sondages, l'opposant pro-russe Viktor Ianoukovitch, a participé en fin de soirée à l'un des nombreux talk-shows politiques qu'affectionnent les chaînes ukrainiennes.

Auparavant, il avait convié plusieurs milliers de ses partisans à un grand concert de musique pop au centre-ville de Kiev, où les militants ont bravé la neige et le verglas pour le soutenir.

«Le 17 janvier, les gens sortiront et diront ce qu'ils ont à dire : et ce sera une condamnation de ce pouvoir qui a été incapable de gérer le pays efficacement», a lancé devant la foule le leader, candidat malheureux lors du précédent scrutin, dans des circonstances controversées.

Initialement proclamé gagnant, M. Ianoukovitch avait vu sa victoire invalidée pour fraude, ce qui avait ouvert la voie à l'arrivée au pouvoir du héros de la Révolution orange Viktor Iouchtchenko.

Sa principale adversaire selon les sondages pour dimanche, le Premier ministre Ioulia Timochenko, a elle aussi longuement exposé ses idées lors d'une émission politique, arborant comme toujours sa tresse dorée enroulée sur la tête.

Sa position paraît plus précaire que celle de M. Ianoukovitch: une enquête publiée cette semaine par l'institut de sondages russe VTsIOM a prédit qu'elle pourrait être battue sur le fil par le banquier Sergui Tiguipko.

Quant au président sortant Viktor Iouchtchenko, également candidat mais à la traîne dans les sondages, il a choisi de s'adresser solennellement au pays dans une allocution télévisée, prévenant que «le 17 janvier peut devenir le jour où le pays sera renvoyé en arrière».

L'Ukraine fait face à «des risques dangereux» si elle s'avise de «faire marche arrière sur son orientation européenne», a-t-il averti.

Mais les jeux semblent bel et bien faits pour le président. Son ancienne alliée orange Timochenko, avec qui il est aujourd'hui à couteaux tirés, l'a invité jeudi à «quitter son poste en beauté et avec dignité».

Les experts et la presse ukrainienne parient sur un duel Ianoukovitch-Timochenko au second tour et se perdent en conjectures sur les mouvements stratégiques et alliances à venir.

Les risques de bourrages d'urnes suivis d'une croisade devant les tribunaux par un camp ou l'autre, pour arracher la victoire, voire de troubles sérieux, sont également jugés réels.

L'Ukraine, autrefois une des républiques de l'URSS, n'a accédé que récemment à la démocratie et demeure coutumière de l'instabilité politique.

En ce qui concerne le scrutin de dimanche, la décision de la Commission électorale centrale de simplifier la procédure des votes à domicile est particulièrement controversée. Les politologues estiment qu'elle crée un risque de fraudes.

L'ONG ukrainienne «Comité des électeurs de l'Ukraine», spécialisée dans les questions électorales, a prévenu vendredi que le premier tour pourrait servir de galop d'essai pour des abus de plus grande ampleur au deuxième tour.