L'ex-dissidente soviétique et militante des droits de l'homme russe, Lioudmila Alexeeva, 82 ans, a été interpellée sans ménagement par la police jeudi au centre de Moscou au cours d'une manifestation d'opposants, a constaté un photographe de l'AFP.

Les manifestants s'étaient réunis pour défendre l'article 31 de la Constitution russe qui autorise les rassemblements pacifiques. Toutefois, la manifestation avait été interdite par la mairie de Moscou et une cinquantaine de participants ont été appréhendés, selon une nouvelle estimation de la police.

Mme Alexeeva, lauréate cette année du prix Sakharov attribué par le Parlement européen, a été arrêtée avec brutalité. La police anti-émeute avait reçu un ordre par talkie-walkie: «embarquez-là!», a constaté le photographe.

«Je n'ai pas eu le temps d'ouvrir la bouche, j'ai seulement fait un signe de la main», a déclaré Mme Alexeeva à la radio Echo de Moscou, peu après son interpellation.

«Je ne sais pas pourquoi j'ai été arrêtée. En général, ils (la police) écrivent dans le procès-verbal que j'ai résisté» aux forces de l'ordre, a-t-elle ajouté.

«On a proposé de me relâcher, mais j'ai refusé en exigeant que tous ceux qui sont dans les cars de police soient relâchés», a encore dit l'octogénaire.

Selon l'agence Interfax, jusqu'à 60 personnes auraient été interpellées, parmi lesquelles le chef du Parti national-bolchevique, Edouard Limonov.

La présidente du conseil pour les droits de l'homme auprès du président russe, Ella Pamfilova, et la représentation russe de l'organisation de défense des droits de l'homme Amnesty international ont appelé les autorités à relâcher toutes les personnes interpellées, selon l'agence Interfax.

Les manifestants ont été appréhendés sur la place Triumphalnaïa, dans le centre-ville, au moment où ils commençaient à scander des slogans ou à exhiber des pancartes sur lesquelles on pouvait notamment lire «Poutine derrière les barreaux!».

Leur rassemblement sur cette place avait été interdit par la mairie de Moscou qui a fait valoir qu'une manifestation publique était déjà prévue à cet endroit.

Mais les organisateurs ont maintenu leur rassemblement sur la place Triumphalnaïa, où nombre d'autres manifestations, notamment du Parti communiste, sont elles toujours autorisées.

Ils s'y étaient également réunis le 31 octobre et une cinquantaine de participants avaient alors été interpellés, parmi lesquels M. Limonov, condamné par la suite à 10 jours de prison pour avoir organisé ce rassemblement interdit.

M. Alexeeva, présente à toutes les manifestations d'opposition, continue à dénoncer l'autoritarisme en Russie, l'arbitraire judiciaire et les mauvais traitements dans les prisons.

En 1976, elle fut l'un des membres fondateurs du groupe Helsinki de Moscou, plus ancienne organisation de défense des droits de l'homme actuellement en activité en Russie, qui fut l'objet d'une campagne de dénigrement et d'arrestations du temps de l'Union soviétique.

Lioudmila Alexeeva a dû s'exiler aux Etats-Unis en 1977. Elle n'est revenue à Moscou qu'en 1990 et n'a obtenu la citoyenneté russe que trois ans après.

Les USA «consternés» par l'arrestation

Les Etats-Unis ont fait part jeudi de leur «consternation» après l'interpellation de l'ex-dissidente soviétique et militante des droits de l'homme russe, Lioudmila Alexeeva, 82 ans.

«Les Etats-Unis expriment leur consternation quant aux informations selon lesquelles les autorités moscovites ont interdit aux citoyens russes d'exercer leur droit à se rassembler pacifiquement», a dit Mike Hammer, un porte-parole de la présidence américaine, cité dans un communiqué, ajoutant que Washington notait «avec inquiétude la détention de manifestants, dont celle de la militante des droits de l'homme Lioudmila Alexeeva».

Mike Hammer a qualifié d'inquiétantes les «informations selon lesquelles les manifestants interpellés ont été traités avec brutalité lors de leur détention».

Dans son communiqué, la Maison Blanche exhorte le Kremlin à respecter le droit des Russes à manifester pacifiquement.

«La liberté d'expression et celle de se rassembler sont des droits universels que tous les gouvernements devraient respecter et défendre. Les Etats-Unis sont aux côtés de tous ceux qui se battent pour promouvoir ces droits», a conclu Mike Hammer.