Une ministre proche de Nicolas Sarkozy a été accusée mardi d'un nouveau dérapage dans le débat sur l'identité nationale après avoir exigé des jeunes musulmans français qu'il se sentent français, trouvent un travail et cessent de porter «la casquette à l'envers».

«On ne fait pas le procès d'un jeune musulman. Sa situation, moi je la respecte. Ce que je veux, c'est qu'il se sente français lorsqu'il est français», a déclaré lundi soir la secrétaire d'État à la Famille Nadine Morano, interrogée sur la compatibilité de l'islam avec la République lors d'un débat dans les Vosges (est de la France)

«Ce que je veux, c'est qu'il aime la France quand il vit dans ce pays, c'est qu'il trouve un travail, et qu'il ne parle pas le verlan (argot consistant à inverser les syllabes des mots, ndlr). C'est qu'il ne mette pas sa casquette à l'envers. C'est qu'il essaye de trouver un boulot, et qu'on l'accompagne dans sa formation», a-t-elle poursuivi.

Alors que le débat en France sur l'identité nationale, lancé le 25 octobre à quelques mois d'élections régionales, a été plusieurs fois dénoncé comme opportuniste et propice aux dérapages racistes, les réactions politiques ne se sont pas fait attendre.

Des dirigeants de l'opposition et l'association SOS Racisme ont dénoncé mardi une «conception ethnique de la nation» et un «nouveau dérapage».

«C'est très grave, parce que cela confirme le regard caricatural de plusieurs membres du gouvernement sur la jeunesse de ce pays, avec des amalgames invraisemblables sur les jeunes musulmans», a déclaré à l'AFP le porte-parole du Parti socialiste, Benoît Hamon.

«Après le voile et la burqa, haro sur les casquettes!», a renchéri Djamila Sonzogni au nom des Verts.

«Nul dans ce pays n'est plus français qu'un autre!» se sont indignés les jeunes socialistes, exigeant la démission de Mme Morano et «l'arrêt immédiat» du grand débat national, contesté jusque dans les rangs de la droite.

Nadine Morano s'est défendue en reprochant à la presse d'avoir sorti la phrase du contexte. «Nous parlions de la problématique des jeunes qui viennent des banlieues dont je viens et dont je suis issue, et je disais qu'avec cette caricature, cette stigmatisation qu'il y avait, moi, je leur conseillais, non seulement de ne pas porter leur casquette de travers, de ne pas parler verlan», a-t-elle expliqué.

Amed Bellal, membre du Conseil régional du culte musulman de Lorraine (est), présent lundi soir au débat a volé à son secours mardi, assurant que Mme Morano n'avait «absolument pas stigmatisé la religion musulmane».

«Si elle l'avait fait, croyez-moi, j'étais là et j'aurai réagi tout de suite», a-t-il dit à l'AFP.

Reste que le lieu même du débat a contribué à la polémique: il a été organisé à Charmes, ville natale de Maurice Barrès, un des grands penseurs de la droite nationaliste française, dans les Vosges (est). Un choix que Mme Morano a expliqué, assurant qu'il ne s'agissait «pas de réhabiliter Maurice Barrès».

«J'irais n'importe où pour parler d'identité nationale ! Aucun quartier de France n'est exempté de parler d'identité nationale. Quelle que soit son histoire, quelles que soient les personnalités qui y sont nées ou qui y vivent», a-t-elle lancé devant des journalistes en marge du débat.

Néanmoins, le silence du gouvernement -- dont aucun membre n'est venu soutenir Mme Morano -- après cette nouvelle controverse témoigne d'un certain embarras.

Depuis la fin novembre, l'interdiction en Suisse des minarets a contribué à brouiller le débat en France, qui compte de 5 à 6 millions de musulmans, et a favorisé les dérapages jusqu'au sein de la majorité: le maire d'une petite ville de l'est avait notamment profité d'un de ces débats pour mettre en garde contre le risque de «se faire bouffer» par les immigrés.