En interdisant la construction de minarets, la Suisse a rendu «le plus grand service à Al-Qaïda» en lui donnant un «argument» pour s'attaquer à l'Europe, a estimé le numéro un libyen Mouammar Kadhafi dans un discours publié dimanche.

«Ils prétendent qu'ils "combattent Al-Qaïda et le terrorisme" alors qu'ils viennent de (leur) offrir le plus grand service», a déclaré le colonel Kadhafi cité par l'agence officielle Jana.

Les Suisses ont voté le 29 novembre à une large majorité de 57,5% l'interdiction des minarets.

Par ce référendum, la Suisse a fourni un «très fort argument» à Al-Qaïda pour s'attaquer à l'Europe, a estimé M. Kadhafi en marge d'une cérémonie à la Faculté des Sciences religieuse de Zliten (160 km à l'est de la capitale libyenne) ou cours de laquelle il s'est vu décerner samedi un «doctorat honorifique en culture et appel islamiques».

Selon lui, «les militants d'Al-Qaïda disent maintenant: +nous vous avons prévenu qu'ils sont nos ennemis (...) Regardez qu'est ce qu'ils font en Europe. Venez vous joindre à Al-Qaïda et proclamez le jihad contre l'Europe+».

Pour Kadhafi, dont le pays avait déjà dénoncé «un référendum raciste», l'interdiction des minarets en Suisse a donné aussi un argument aux pays musulmans pour interdire les constructions des églises.

Qualifiant la Suisse de «mafia du monde» et d'«entité fabriquée», le colonel Kadhafi a indiqué qu'il y avait «un appel pour le boycott» de la confédération helvétique par le monde musulman, sans autres précisions.

«Nous continuons à leur (les Suisses) dire: vous devez penser à vos intérêts. Vous avez besoin de pétrole, de gaz, de ports, de mer, d'énergie solaire, d'investissements».

«Méfiez-vous avant de perdre ces acquis et ne dépassez pas vos limites», a-t-il prévenu.

Les relations entre la Suisse et la Libye sont tendues depuis l'arrestation musclée d'Hannibal, un fils du numéro un libyen Mouammar Kadhafi, le 15 juillet 2008 à Genève.

Le 1er décembre, deux hommes d'affaires suisses retenus depuis juillet 2008 en Libye ont été condamnés à 16 mois de prison ferme pour «séjour irrégulier».

Pas de menace terroriste depuis le vote

La Suisse n'a pas reçu d'information quant à une éventuelle menace terroriste depuis le référendum anti-minarets, a affirmé dimanche la ministre helvétique des Affaires étrangères, qui a ajouté vouloir «calmer» la situation avec les pays musulmans.

«Je n'ai pas à ma connaissance d'indication quant à une menace terroriste», a affirmé Micheline Calmy-Rey dans un entretien au journal dominical SonntagsZeitung.

«Nous mettons tout en oeuvre pour éviter que la situation ne s'aggrave», a-t-elle ajouté.

«Malheureusement il y a en Suisse des acteurs qui provoquent, en demandant l'interdiction des burqas et de cimetières musulmans», a-t-elle ajouté au sujet du parti populiste UDC (Union démocratique du centre), à l'initiative du référendum et dont l'un des ténors, Christoph Blocher, veut désormais s'attaquer à la burqa.

La ministre a estimé que le débat sur l'interdiction de construction de minarets avait été «sale». «Les initiateurs (du référendum) ont utilisé la peur et le mensonge et ont donné l'impression que nous allions faire face à des centaines de minarets», a-t-elle souligné.

L'Iran a averti samedi la Suisse des «conséquences» de ce vote et l'a exhortée à empêcher l'application de l'interdiction, a rapporté l'agence de presse officielle Irna.

Irna a par ailleurs rapporté que l'ambassadeur de Suisse à Téhéran avait été convoqué samedi au ministère des Affaires étrangères qui entendait protester contre les résultats du référendum du 29 novembre en Suisse.

Mme Calmy-Rey a confirmé cette rencontre, ainsi qu'un entretien avec le ministre iranien des Affaires étrangères, ajoutant vouloir «calmer la situation» avec «nos partenaires musulmans».