Ironie du sort, alors que l'Allemagne va emprunter l'an prochain pour un montant record, elle finira aussi de payer les derniers résidus de la dette héritée du conflit de 1914-1918, près d'un siècle après la Première guerre mondiale.

D'ici le 3 octobre 2010, le pays soldera «environ 56 millions d'euros» de charges d'intérêt et pourra clore ce chapitre, a indiqué mercredi à l'AFP le porte-parole de l'Agence financière allemande, Boris Knapp, l'organisme qui gère le service de la dette de l'Allemagne.

La date du 3 octobre marquera aussi le vingtième anniversaire de la réunification des deux Allemagne, et ce n'est pas un hasard.

En 1953 l'Accord de Londres, signé entre la République fédérale d'Allemagne (RFA) et une vingtaine de pays dont les anciennes puissances alliées occidentales (États-Unis, Grande-Bretagne et France) avait jugé bon de renvoyer à l'après-réunification la question du fardeau hérité de la Première guerre.

L'Accord avait ainsi établi que la charge d'intérêts de l'Allemagne afférente à cette période serait à régler sur une période de vingt ans après une réunification à l'époque toute hypothétique.

Les intérêts en question se rapportent principalement à trois émissions obligataires entre 1924 et 1930. «Ce sont des obligations en lien avec le Traité de Versailles», a précisé M. Knapp. Car c'est pour s'acquitter des réparations fixées par ce Traité de 1919, qui voulait faire payer l'Allemagne pour le préjudice causé par la Première guerre mondiale, que l'Allemagne avait emprunté.

Outre la perte d'un huitième de ses territoires et d'un dixième de sa population de 1914, le pays s'était vu imposer le paiement de réparations colossales, fixées à 132 milliards de marks-or, dont plus de la moitié devait revenir à la France.

Mais frappé de plein fouet par le krach de 1923 et par la crise de 1929, le pays était incapable d'honorer ces réparations, l'un des facteurs qui ont favorisé l'ascension d'Hitler. Selon l'économiste britannique Keynes elles représentaient trois fois la fortune du pays, et les obligations émises successivement à cet effet étaient une goutte d'eau dans la mer.

Les réparations ont finalement été annulées de fait avec le «moratoire Hoover» en 1932. Mais restait encore à l'Allemagne à rembourser les emprunts contractés pour leur paiement avant cette date.

Le principal des trois obligations -- Young, Dawes et Kreuger de leur petit nom, émises pour l'une en 1924 et pour les deux autres en 1930 -- a été remboursé depuis belle lurette par la RFA.

Et une fois l'Allemagne réunifiée le 3 octobre 1990, soit moins d'un an après la chute du Mur de Berlin, le service des charges d'intérêt a repris, conformément à l'Accord de Londres. «Entre 1990 et 2010, presque 200 millions d'euros ont été payés» par l'Allemagne, selon M. Knapp. Et le pays pourra, pile pour le vingtième anniversaire de la réunification, clore le chapitre.

L'Agence financière ne sera pour autant pas désoeuvrée: alors que la crise actuelle a laissé les finances publiques exsangues et que la nouvelle équipe aux manettes à Berlin a promis des cadeaux fiscaux tout au long de la législature, l'Allemagne va emprunter à tour de bras encore l'an prochain. Le déficit budgétaire pourrait avoisiner les 90 milliards d'euros en 2010.