Vote de la peur et de l'intolérance, décision inquiétante: l'interdiction de construire des minarets en Suisse, adoptée dimanche par référendum, a suscité lundi une levée de boucliers en Europe et dans des pays musulmans.

De nombreux responsables européens ont déploré le choix des Suisses et exprimé des craintes face aux conséquences de cette décision. D'autres, moins nombreux, ont estimé que ce vote reflétait une préoccupation réelle qui devait être prise en compte. Lundi en fin de journée, aucun pays musulman n'avait réagi officiellement.

Résumant le malaise européen, le ministre français de l'Immigration Eric Besson a déclaré qu'il «ne faudrait pas donner le sentiment de stigmatiser une religion, en l'occurrence l'islam».

La présidence suédoise de l'UE a jugé «surprenant» de soumettre un tel sujet à référendum. «Il n'y a pas de problèmes entre les musulmans et les Européens dans l'Union européenne», a déclaré la ministre suédoise chargée de l'Intégration, Nyamko Sabumi.

Wolfgang Bosbach, un responsable de la CDU, le parti de la chancelière allemande Angela Merkel, a estimé que ce vote traduisait la peur d'une islamisation de la société existant aussi en Allemagne: «Cette crainte doit être prise au sérieux».

Le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, s'est déclaré «un peu scandalisé» par un vote qui est selon lui une expression «d'intolérance».

En Italie, le scrutin a suscité des réactions positives de plusieurs politiques, dont deux ministres de la Ligue du Nord, formation populiste qui appartient à la coalition gouvernementale dirigée par Silvio Berlusconi, et plusieurs députés de droite.

«Malheureusement, nous faisons face à une forte attaque contre notre identité de la part d'une religion intolérante comme l'islam», a déclaré Roberto Castelli, vice-ministre des Infrastructures et des Transports.

Il a en conséquence proposé que l'Italie ajoute un crucifix sur son drapeau national. Suggestion jugée «attrayante» et «extrêmement normale» par le ministre des Affaires étrangères, Franco Frattini, qui avait auparavant exprimé sa «préoccupation» devant le vote suisse, mais rejetée notamment par le ministre de la Défense, Ignazio La Russa, et par le maire de Rome Gianni Alemanno.

Le député néerlandais d'extrême droite Geert Wilders, dont le parti dénonce une «islamisation» de l'Europe et qualifie le Coran de «fasciste», a salué le résultat «fabuleux» en Suisse et appelé les Pays-Bas à organiser une consultation similaire.

Le vote des Suisses a été salué par d'autres partis d'extrême droite européens, comme le Front national en France ou le FPÖ et le BZÖ en Autriche.

En Suisse même, le secrétaire général de la conférence épiscopale, Mgr Felix Gm-r, a qualifié ce vote de «coup dur pour la liberté religieuse et l'intégration».

Le Vatican a abondé en ce sens, évoquant une «entrave (à) la liberté de religion», tout en reconnaissant l'existence d'un «sentiment d'aversion et de peur».

À Genève, le Rapporteur spécial de l'ONU pour la liberté de religion, Mme Asma Jahangir, a déclaré avoir «de profondes inquiétudes» et dénoncé une «discrimination évidente».

L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe s'est elle aussi déclarée «très préoccupée».

Amnesty International a évoqué «une violation de la liberté religieuse incompatible avec les conventions signées par la Suisse».

Dès dimanche, le grand Mufti d'Égypte, Ali Gomaa, a dénoncé une «insulte» pour tous les musulmans.

Le secrétaire général de l'Organisation de la conférence islamique (OCI) Ekmeleddin Ihsanoglu s'est dit lundi «déçu et préoccupé» par la «recrudescence des incitations anti-islamiques en Europe», appelant à des réactions «pacifiques».

La Nahdlatul Ulama, principale organisation musulmane d'Indonésie, plus grand pays musulman au monde, y a vu un signe de «haine» et d»'intolérance», tout en appelant elle aussi à «ne pas réagir avec excès».

Ce vote «reflète l'islamophobie extrême» des Occidentaux, a affirmé le Pakistanais Khurshid Ahmad, vice-président du Jamaat-e-islami, parti islamique radical siégeant au parlement.

Un influent dignitaire religieux chiite libanais, l'ayatollah Fadlallah, a dénoncé un vote «destiné à inciter au racisme contre les musulmans en Occident».