La commission d'enquête sur la participation du Royaume-Uni à la guerre en Irak a averti mardi qu'elle ne ménagerait pas ses critiques, en consacrant sa première audience publique aux relations entre l'Amérique de George Bush et le gouvernement de Tony Blair.

Dès sa déclaration liminaire, le président de la commission, John Chilcot, un ancien haut fonctionnaire dont l'indépendance du pouvoir a été mise en doute par les médias, a promis qu'il n'hésiterait pas dans son rapport final à «exprimer des critiques, contre des institutions ou des décisions ou des individus, chaque fois que ce sera vraiment justifié». Il a toutefois rappelé que personne n'était «en procès». La commission, nommée par le gouvernement et qui siège dans un centre de conférences proche du Parlement, est «apolitique et indépendante», a affirmé M. Chilcot. Il s'est engagé à procéder à un examen «approfondi, rigoureux, juste et honnête» des faits.

La commission va, pendant plusieurs mois, entendre des chefs militaires, diplomates et hauts fonctionnaires pour comprendre le processus de décision qui a débouché sur l'engagement en 2003 de la Grande-Bretagne aux côtés des États-Unis contre le régime de Saddam Hussein.

Cette première série d'audiences publiques s'achèvera en février. D'autres audiences sont prévues mi-2010.

Le premier témoin à se présenter devant les cinq membres de la commission a été Peter Ricketts, qui a présidé le comité des renseignements extérieurs entre 2000 et 2001, avant d'occuper un poste élevé au Foreign Office de 2001 à 2003.

M. Ricketts a expliqué que dès 2001, certains membres de l'administration Bush envisageaient un «changement de régime» en Irak.

Mais «je n'étais certainement pas au courant que quiconque au gouvernement britannique encourage ou soutienne des mesures actives en vue d'un changement de régime», a-t-il assuré.

William Patey, responsable du département Proche-Orient au Foreign Office de 1999 à 2002, a confirmé la tonalité va-t-en-guerre des faucons de Washington, mais a indiqué que la politique britannique était de «rester à l'écart de ça».

À l'extérieur du centre de conférence, un petit groupe de manifestants a réaffirmé mardi son opposition à la guerre.

À l'intérieur, pour cette première journée d'audience publique, contrastant avec l'énorme intérêt médiatique, les bancs du public sont restés clairsemés.

«Je veux seulement connaître la vérité», a déclaré à l'AFP Rose Gentle, dont le fils Gordon est mort en Irak en 2004. «Je n'ai jamais eu de réponses, on ne m'a jamais rien dit, pourquoi on y est allés, est-ce que c'était légal», ajoute-t-elle, arborant autour du cou une photo de son fils dans un médaillon doré.

La commission va d'abord concentrer son attention sur le fameux «dossier» où le gouvernement de M. Blair affirmait que l'Irak de Saddam Hussein disposait d'armes de destruction massive.

Cette menace présumée, mais jamais avérée, avait contribué à justifier la participation de la Grande-Bretagne à l'invasion de l'Irak en mars 2003.

M. Blair doit lui-même témoigner devant la commission début 2010.

L'ancien premier ministre, qui avait été contraint de démissionner en juin 2007 essentiellement en raison de sa gestion du dossier irakien, devra entre autres expliquer son choix d'envoyer quelque 45.000 soldats en Irak contre l'avis d'une majorité de Britanniques, et sans l'aval des Nations unies.

M. Blair tentera également de défendre la légalité de ce conflit.

La commission Chilcot rendra son rapport final fin 2010 au plus tôt. Cette enquête était réclamée de longue date par les familles des 179 soldats britanniques tués en Irak.