La nomination de Herman Van Rompuy à la tête de l'UE ouvre la voie au retour d'Yves Leterme à la tête du gouvernement de la Belgique, jugé périlleux par les francophones qui redoutent une nouvelle crise politique après un an de répit.

Dès vendredi, le roi Albert II a entamé des consultations en recevant M. Van Rompuy, premier ministre depuis décembre 2008, qui entend laisser du temps au souverain puisqu'il ne prendra pas ses fonctions européennes avant le 1er janvier. Le roi devait ensuite rencontrer dans la journée les présidents des cinq partis composant la coalition au pouvoir, dont Marianne Thyssen, la chef du CD&V, le parti chrétien-démocrate flamand dont est issu M. Van Rompuy.

«Ce dont notre pays a besoin, c'est de stabilité, c'est d'un gouvernement qui gouverne», a déclaré dès jeudi soir le président du Parti socialiste francophone (PS), Elio Di Rupo, tandis que l'opposition écologiste invitait la majorité à «éviter de replonger la Belgique dans le chaos».

Le départ du premier ministre ne devrait pas entraîner d'élections anticipées, son parti gardant la main pour lui désigner un successeur jusqu'à la fin prévue de la législature en juin 2011.

Il est hautement probable que le CD&V fera revenir aux commandes l'ancien premier ministre Yves Leterme. Ce dernier avait dû démissionner en décembre 2008 pour une affaire politico-financière liée au démantèlement de la banque Fortis et a depuis lors été blanchi.

Le retour prévisible de M. Leterme, devenu ministre des Affaires étrangères en juillet, est cependant loin de créer l'enthousiasme, en particulier côté francophone.

L'intéressé est considéré comme plus radical que M. Van Rompuy pour soutenir les revendications flamandes d'autonomie accrue, et a multiplié les gaffes dans le passé. Notamment en confondant la Brabançonne, l'hymne national belge, avec....la Marseillaise.

M. Van Rompuy part alors que des négociations très délicates devraient s'engager dans les semaines à venir entre les deux grandes communautés linguistiques du pays. En jeu: le statut de la minorité francophone de la banlieue bruxelloise située en Flandre néerlandophone.

La Flandre entend scinder l'arrondissement électoral et judiciaire bilingue de Bruxelles-Hal-Vilvorde, dit «BHV».

Elle va aussi probablement remettre sur la table ses revendications de nouveaux transferts de compétences vers les régions.

Herman Van Rompuy a dit jeudi soir ne pas espérer d'avancées majeures sur ces sujets d'ici à son départ, expliquant qu'il «céderait les problèmes belgo-belges à son successeur» et précisant juste que celui-ci «pourrait toujours compter sur (son) avis».

De son côté, Yves Leterme est d'humeur revancharde. Il estime avoir été injustement mis en cause dans l'affaire Fortis et diabolisé par les médias francophones.

Bien que visiblement sceptiques sur les capacités de M. Leterme à éviter le retour de la «fièvre communautaire» qui avait porté la Belgique au bord de l'implosion en 2007-2008, les partis francophones n'ont pas posé de veto à son retour aux affaires.

«S'il s'engage à assurer la stabilité du pays, à régler les problèmes économiques et le problème BHV, alors, oui, il peut être premier ministre», a estimé la ministre socialiste Laurette Onkelinx.

Mais il s'agit pour le leader chrétien-démocrate flamand de «la toute dernière chance de prouver qu'il est fait pour le job», relevait vendredi le quotidien flamand De Standaard.

Plus inquiet, le journal francophone Le Soir assure qu'«avec tous les partis politiques à l'oeuvre, Yves Leterme aura un devoir: éviter la crise de régime».