Modernisation, modernisation et modernisation. Dans son deuxième discours à la nation, hier, le président russe, Dmitri Medvedev, a dressé le portrait d'une Russie «primitive» qu'il a promis de moderniser pour en faire un pays concurrentiel et démocratique

«Plutôt qu'une société archaïque dans laquelle les leaders pensent et décident pour tous, devenons une société de gens intelligents, libres et responsables.» C'est le chef de l'État russe qui l'a dit.

Déjà en septembre, Dmitri Medvedev avait créé une commotion en publiant sur le site du journal libéral en ligne Gazeta.ru un texte peu flatteur sur son propre pays. Il demandait alors aux citoyens de lui envoyer leurs propositions pour moderniser la Russie. Aussi, 18 657 commentaires plus tard, il a présenté hier son ambitieux plan pour faire entrer son pays dans le XXIe siècle et sortir l'économie russe de sa dépendance envers les hydrocarbures.

Pour Medvedev, la modernisation permettra à la Russie d'être plus «concurrentielle» et plus «efficace», deux mots qu'il a prononcés à plusieurs reprises dans son discours de 100 minutes. Medvedev a d'ailleurs tenu à faire une profession de foi envers le libéralisme économique.

«En période de crise, le rôle de l'État dans l'économie, naturellement, a de nouveau augmenté. C'est évidemment une tendance qu'on observe partout dans le monde, mais dans une perspective à long terme, il n'y a rien de bon là-dedans.»

Dmitri Medvedev a ajouté que plusieurs grandes sociétés d'État russes étaient vouées à disparaître: «Ce modèle, dans les conditions actuelles, est dans l'ensemble sans avenir», a-t-il annoncé.

Moins de fuseaux horaires

Pour améliorer la gestion du plus grand pays du monde, M. Medvedev a eu une proposition des plus surprenantes: réduire le nombre de fuseaux horaires du pays, qui en compte 11. Il a toutefois laissé aux experts la tâche d'en déterminer le nombre approprié - par le passé, certains ont proposé de passer à quatre.

Dmitri Medvedev a promis des améliorations dans presque tous les domaines: augmentation des rentes des retraités, internet haute vitesse dans tout le pays et en premier lieu dans les écoles, gouvernement en ligne - notamment pour améliorer la transparence des structures de l'État et en finir avec la corruption.

S'il n'a pas glissé un mot sur la situation des droits de l'homme, il a assuré que la modernisation de l'économie ne peut se faire sans la refonte des institutions démocratiques. Mais, du même souffle, le président Medvedev a prévenu les mouvements de l'opposition que l'ouverture aurait ses limites: «Le renforcement de la démocratie ne signifie pas un affaiblissement de l'ordre public. Toutes les tentatives pour ébranler la situation sous le couvert de slogans démocratiques, pour déstabiliser l'État et diviser la société seront empêchées.» En Russie, les opposants se voient souvent refuser la permission de manifester, sous divers prétextes «administratifs».

En matière de politique étrangère, Medvedev a évité de narguer l'Occident, ce qui était devenu une habitude depuis l'entrée en fonction de son prédécesseur Vladimir Poutine, en 2000. Dans son discours de l'an dernier, qui coïncidait avec l'annonce de l'élection de Barack Obama, Medvedev avait annoncé l'installation de missiles Iskander dans l'enclave de Kaliningrad pour contrer le bouclier antimissile américain. Ces deux projets ont été abandonnés. «Notre politique étrangère doit être exclusivement pragmatique. Son efficacité doit être jugée selon un critère simple: Contribue-t-elle à améliorer le niveau de vie de notre pays?» s'est-il plutôt limité à dire hier.

Selon Pavel Koudioukine, analyste des réformes de l'administration de l'État à l'École supérieure d'économie de Moscou, les mots qu'a choisis le président sont justes, mais sans une «réforme sérieuse du système politique», ces plans n'ont aucune chance de se concrétiser. M. Koudioukine n'a rien perçu dans ce discours qui laisse croire que le tandem Medvedev-Poutine soit prêt à desserrer son emprise sur le pouvoir pour mettre en branle une vraie modernisation.

«Sans système judiciaire indépendant, rien n'est possible, poursuit-il. Tant que des obstacles institutionnels et politiques freineront le développement économique, nous resterons un pays périphérique à l'économie archaïque basée sur les matières premières.»