Le débat sur la présence de crucifix dans les salles de classe a été relancé mercredi dans les pays européens à forte tradition catholique après la condamnation par la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) de l'Italie, où cette sentence a été rejetée à la quasi-unanimité.

Le verdict de Strasbourg sur les crucifix dans les écoles publiques a été rejeté aussi bien par la majorité de droite, proche de l'Église catholique, que par l'opposition, la plupart des Italiens considérant le crucifix comme un symbole culturel plutôt que religieux. «Cette Europe du troisième millénaire ne nous laisse que les citrouilles des fêtes récentes», celles d'Halloween «et elle nous enlève nos symboles les plus chers», a déploré mercredi le numéro deux du Vatican, le cardinal-secrétaire d'État Tarcisio Bertone. Il s'est réjoui que le gouvernement italien ait annoncé un recours contre le verdict.

Réactions vives également de la part de l'église polonaise: «Une nouvelle tentative d'arracher Dieu du coeur des gens», a commenté l'archevêque de Gdansk, Mgr Slawoj Leszek Glodz, cité mercredi par le quotidien ultracatholique Nasz Dziennik.

La sentence de la CEDH a provoqué de fortes divisions entre catholiques et laïcs en Espagne. Les représentants des organisations regroupant les écoles privées ont estimé que «si quelque chose de la sorte devait se passer en Espagne, il faudrait manifester avec force».

À l'inverse, l'association Espagne laïque a demandé au gouvernement de s'inspirer du verdict pour exiger le retrait immédiat des symboles religieux des établissements publics.

Au Portugal, la présence de crucifix dans les écoles publiques fait aussi débat. «Pour les catholiques, c'est un symbole religieux mais pour les autres c'est une icône anti-violence», a plaidé Manuel Marujao, porte-parole de la conférence épiscopale portugaise, au quotidien Diario de Noticias mercredi.

Depuis la révolution des Oeillets en 1974, les crucifix ne sont plus obligatoires mais de nombreuses classes d'écoles construites avant cette date en sont encore ornées. Une circulaire datant de 2005 ordonne néanmoins leur retrait en cas de plaintes.

La croix dans les classes constitue également la règle en Bavière, région allemande majoritairement catholique, malgré une décision de la cour constitutionnelle allemande de 1995 d'abolir l'obligation du crucifix dans chaque classe.

«Seule une Europe qui sait d'où elle vient peut parler d'une voix forte», a déclaré la ministre régionale des Affaires européennes de la Bavière Emilia M-ller pour justifier son rejet de la sentence de Strasbourg qui selon elle, «fait du tort à l'idée des droits de l'homme».

En Alsace-Moselle (est de la France), où la loi de séparation des Eglises et de l'État ne s'applique pas parce que ces trois départements étaient allemands en 1905, les crucifix dans les écoles publiques sont autorisés. Plusieurs lycées et collèges de Strasbourg interrogés par l'AFP mercredi affirmaient néanmoins qu'il n'y en avait pas dans leurs salles de classe.

Les crucifix comme les autres signes religieux sont interdits dans les établissements publics dans le reste de la France. En revanche, on peut trouver des crucifix dans les établissements de l'enseignement privé sous contrat, que fréquentent environ 20% des élèves, la loi ne l'interdisant pas.