Habillés à l'occidentale, souvent à peine majeurs selon leurs dires, 27 Afghans sont arrivés mercredi à la mi-journée à l'aéroport de Kaboul, expulsés de France et de Grande-Bretagne, avec la même phrase à la bouche: «Et maintenant, je fais quoi?»

Mohammad Malakhel, «18 ans», arrive de Londres où il raconte avoir passé «huit mois» à travailler «dans un restaurant». «Je me sens tellement mal. C'est insensé. Il y a plein de problèmes ici en Afghanistan», lance le jeune homme, amer, qui n'a pour lui que les vêtements qu'il porte. Cinquième pays le plus pauvre du monde, l'Afghanistan, où le chômage est estimé de 40 à 50% selon les sources, est ensanglanté par une insurrection islamiste dont les violences ont atteint en 2009 des records absolus, depuis que les talibans ont été chassés du pouvoir fin 2001.

Sur les 27 Afghans en situation irrégulière expulsés dans un vol conjoint franco-britannique, trois venaient de France. Mais «des diplomates français les ont pris en charge et directement emmenés dans un hôtel» à leur arrivée à la mi-journée, indique un fonctionnaire du ministère des Réfugiés.

Contactée à plusieurs reprises par l'AFP, l'ambassade de France à Kaboul n'a pu être jointe.

Dans la poussière et le vent froid qui balayent les bâtiments délabrés de l'aéroport de Kaboul, Mohammad Malakhel lance: «Je dis à tous les Afghans: ne partez jamais à l'étranger, trouvez un travail ici, ne pensez pas à partir, car les Afghans, où qu'ils soient, (...) souffrent toujours».

Sans visa pour entrer légalement en Europe, la seule solution pour les expulsés a été de faire appel à un réseau de passeurs.

«J'ai payé un million d'afghanis (20 000 dollars, ndlr) pour aller en Grande-Bretagne, j'ai travaillé cinq mois mais je n'ai pas réussi à regagner cet argent», s'énerve Mohammad Malakhel, ajoutant: «Je n'ai plus qu'à essayer de trouver ma famille. J'espère qu'elle est toujours à Jalalabad (est), d'où je viens».

Vivant à Kaboul, Ahmadullah attend son frère expulsé et fulmine contre ce dernier: «Il est allé à Londres il y a quatre ans et demi. Nous avons dépensé 1,8 million d'afghanis (36000 dollars, ndlr) pour l'envoyer là-bas, c'est beaucoup d'argent. (...) Et il n'a pas travaillé là-bas, il n'a pas pu rembourser l'argent. L'argent est parti».

Lui aussi sans bagage, Miakil Gulka, «18 ans» mais en paraissant plus, a lâché 1,2 million d'afghanis (24 000 dollars, ndlr) pour son «voyage», il y a un an. «C'est très dangereux d'aller en Grande-Bretagne. J'ai vu la mort de près», assure-t-il.

«Personne ne m'a rien expliqué. J'étais enregistré auprès des autorités britanniques, alors pourquoi m'ont-elles expulsé?», demande-t-il.

Et cet ex-maçon pose la même question que les autres: «Et maintenant, je fais quoi? Je n'ai même pas une maison ici. Je vais repartir. Après mon arrestation, je n'ai même pas pu récupérer les 2.000 livres que j'avais gagnées comme maçon».

Miakhail Ghafar, la trentaine, n'est même pas afghan. Il vient de Peshawar, au Pakistan, d'où il avait fui pour l'Afghanistan après avoir été menacé de mort.

Mais «il n'y avait pas de travail en Afghanistan, donc j'ai décidé d'aller en Angleterre, pour améliorer ma vie, gagner de l'argent et revenir en Afghanistan où je voulais lancer un petit commerce», raconte-t-il. Jusqu'au jour où un raid nocturne de la police anglaise l'a envoyé dans un centre de rétention.

Le projet de vols groupés de migrants afghans avait été lancé après le démantèlement très médiatisé, le 22 septembre, de la «jungle», plus vaste campement sauvage du littoral français à Calais (nord), qui a compté jusqu'à 800 migrants, essentiellement afghans, voulant passer au Royaume-Uni.

Ce projet a suscité une vive opposition des associations et des partis de gauche en France.