Les défenseurs des droits de l'Homme et proches de la journaliste Anna Politkovskaïa commémorent mercredi le 3e anniversaire de son assassinat, avec un ultime espoir de voir le dossier échapper à l'impunité qui caractérise généralement ce genre d'affaires en Russie.

Serguei Sokolov, rédacteur en chef adjoint de Novaïa Gazeta, a révélé mardi lors d'une conférence de presse que les noms de nouveaux suspects avaient fait leur apparition dans l'enquête. Ces nouveaux éléments surgissent alors que l'affaire a été renvoyée au parquet en septembre, à la grande satisfaction des enfants de la journaliste, qui estiment que l'enquête initiale a été bâclée.

Les noms des nouveaux suspects n'ont pas été rendus publics, a précisé M. Sokolov. «Quant à l'assassin présumé (Roustam Makhmoudov), je confirme que celui-ci est à l'étranger et qu'il se déplace d'un pays à l'autre», a-t-il dit, précisant qu'il se trouverait dans un pays de l'Union européenne.

«L'enquête a une nouvelle chance, je pense la dernière», a lancé le fils de la journaliste, Ilia Politkovski, lors de cette conférence de presse.

Anna Politkovskaïa avait été tuée par balles dans le hall de son immeuble en octobre 2006, ce qui avait suscité une grande émotion en Occident. Elle était l'une des rares journalistes russes à dénoncer les atteintes aux droits de l'Homme en Tchétchénie et à critiquer ouvertement les abus du système politique et judiciaire sous Vladimir Poutine, alors président.

Un premier procès, au début de l'année, s'était soldé de l'avis général par un échec: trois complices présumés, dont deux frères Makhmoudov, Ibraguim et Djabraïl, avaient été acquittés faute de preuves suffisantes. Quant au commanditaire de l'assassinat, il n'a toujours pas été identifié et le tueur présumé court toujours.

Un deuxième procès, débuté le 5 août, a été interrompu sur décision de la Cour suprême russe, qui a renvoyé l'affaire au parquet.

Mais l'espoir de voir aboutir cette nouvelle procédure paraît pour le moins ténu: les crimes contre les journalistes restent totalement impunis en Russie où 22 journalistes ont été tués depuis mars 2000 en raison de leurs activités professionnelles, a rappelé mardi le représentant russe de l'Association Reporters Sans Frontières (RSF) Tikhon Dziatko.

Le tournant espéré suite à l'arrivée au Kremlin au printemps 2008 de Dmitri Medvedev, réputé plus sensible à ces questions que son prédécesseur Vladimir Poutine, ne s'est pas concrétisé, soulignent les défenseurs des droits de l'Homme, qui réclament plus de «signaux» de sa part.

Pire, la situation s'est dramatiquement aggravée dans le Caucase, au point de devenir pratiquement intenable pour les militants et journalistes d'opposition, déplorent-ils.

Soucieuses d'entretenir de l'extérieur la pression sur les autorités russes, deux ONG françaises, dont Amnesty International France, ont lancé mardi une campagne d'information sur la situation des défenseurs des droits de l'Homme en Russie et appelé l'Union européenne à «prendre des mesures concrètes» en ce sens.

Un rassemblement est aussi prévu mercredi après-midi auquel doivent participer notamment son fils Ilia Politkovski, des militants des droits de l'Homme et des opposants politiques, indique dans son édition de mercredi le trihebdomadaire Novaïa Gazeta pour lequel travaillait la journaliste.

«Trois ans après le meurtre d'Anna Politkovskaïa, le commanditaire et les meurtriers sont toujours en liberté», souligne le journal, qui publie également une photo de la journaliste où elle apparaît souriante mais les bras croisés, en chemise blanche sur un fond noir