Peut-on être à la fois journaliste dans un grand quotidien national et élue municipale de l'UMP, parti de la majorité gouvernementale, sans compromettre sa crédibilité?

Une double fonction de cette nature serait jugée hérétique dans un quotidien nord-américain, mais elle ne pose guère problème dans l'Hexagone, à en juger par la situation de Martine Perez, journaliste au quotidien de droite Le Figaro.

Le magazine de gauche Marianne a ironisé récemment sur le sujet en se moquant d'un article de Mme Perez dans lequel elle traitait du malaise subi par le président Nicolas Sarkozy durant une sortie de course à pied.

L'hebdomadaire s'étonnait d'un passage où la journaliste soulignait la forme physique «particulièrement éblouissante» du chef d'État et «sa manière d'être archiprésent sur tous les fronts, apparemment toujours combatif et ne rechignant jamais devant un déplacement, une annonce, une prise de position, un combat».

«La presse cubaine en prendra des leçons», a souligné Marianne, qui invitait, d'un ton grinçant, le Figaro à ouvrir ses portes «à des articles rédigés moins souvent par des groupies présidentielles plus lucides et moins aveuglées».

Martine Perez, qui siège dans le 3e arrondissement sous le nom de son mari, Weill-Raynal, estime que la revue satirique lui fait un procès d'intention qui n'a pas lieu d'être.

«Je n'ai strictement rien à cacher. Mes activités politiques sont connues depuis longtemps et ne posent pas problème avec la direction», souligne la journaliste, qui ne voit pas de problème éthique avec sa situation.

«Si j'avais été affectée à l'économie ou à la politique, la situation serait peut-être différente. Mais je couvre les questions de santé publique», souligne Mme Perez, qui affirme n'avoir jamais mélangé ses deux fonctions. Le passage sur la forme du chef d'État à l'origine de la sortie de Marianne ne faisait que relever, dit-elle, un fait déjà souligné par plusieurs commentateurs.

Le poste dans le 3e arrondissement n'est pas rémunéré, ajoute la journaliste, qui a été sollicitée pour devenir candidate UMP il y a plusieurs années en raison de ses activités dans une association de parents d'élèves. «Comme tout être humain, j'ai le droit de m'intéresser à la vie politique», dit-elle.

La direction du journal a refusé de commenter la situation, se contentant de renvoyer les questions de La Presse à Mme Perez elle-même.

François Delétraz, qui est délégué du Syndicat national des journalistes (SNJ) au Figaro Magazine, une entité distincte du Figaro, ne voit rien de répréhensible à la situation de Mme Perez.

«Les journalistes peuvent convoiter des responsabilités civiques», indique le délégué. Le seul cas problématique, juge-t-il, est celui où la rubrique couverte par le journaliste touche le secteur où il est engagé civiquement.

Dominique Pradalié, secrétaire générale du SNJ, pense que la situation de Mme Perez donne un «mauvais exemple».

«Même si elle est d'une honnêteté intellectuelle irréprochable, les gens qui la voient dans son rôle d'élue ne peuvent pas imaginer que son honnêteté est totale sur le plan journalistique», dit-elle. Bref, la simple apparence de conflit d'intérêts rend sa position répréhensible.