Le procès Clearstream franchit mercredi une étape décisive avec l'audition de l'ex-premier ministre français Dominique de Villepin, accusé d'avoir participé à une sombre machination visant à déstabiliser Nicolas Sarkozy avant l'élection présidentielle de 2007.

«Je sortirai libre et blanchi au nom du peuple français», avait clamé solennellement cet ancien diplomate, sportif et élancé, entouré de sa famille, à l'ouverture de ce procès devant le tribunal correctionnel de Paris, le 21 septembre. Il est soupçonné d'avoir participé à une manipulation dans laquelle des listings bancaires ont été falsifiés et transmis à la justice afin de faire croire que certaines personnalités, dont Nicolas Sarkozy, détenaient des comptes occultes et avaient reçu des pots-de-vin pour une vente d'armes.

L'enjeu est de taille pour M. de Villepin, 55 ans, qui ne cesse de dire son innocence et de dénoncer l'«acharnement» à son égard de son ennemi juré, Nicolas Sarkozy, l'une des parties civiles dans l'affaire.

«M. de Villepin fera peut-être des révélations», lançait mardi, goguenard, l'avocat de Nicolas Sarkozy, Me Thierry Herzog.

«L'audition de l'ancien premier ministre marquera bien un tournant dans ce procès Clearstream», commentait le quotidien de gauche Libération, s'interrogeant: «sa superbe résistera-t-elle à l'épreuve solennelle qui l'attend?».

Alors qu'il était brièvement interrogé mardi, l'ancien premier ministre a réaffirmé n'avoir «jamais eu connaissance» ni «eu entre les mains» les faux listings au coeur du dossier.

M. de Villepin, qui comparaît devant le tribunal avec quatre co-prévenus, est inculpé notamment pour «complicité de dénonciation calomnieuse». Il encourt jusqu'à cinq ans de prison et 375000 euros d'amende.

L'ancien ministre des Affaires étrangères joue aussi son avenir politique: alors que certains lui prêtent des ambitions pour la présidentielle de 2012, il pourrait fort bien, s'il était condamné, devenir inéligible.

Le parquet l'accuse d'avoir fauté par «abstention», en se gardant bien de stopper la machination lorsqu'il a compris que les listings étaient des faux.

Les juges d'instruction qui l'ont renvoyé devant le tribunal, estiment eux qu'il «s'est délibérément engagé (...) dans un processus frauduleux».

Selon eux, «dans un contexte de rivalité politique avec Nicolas Sarkozy», il aurait «donné pour instruction» à l'ancien vice-président d'EADS, Jean-Louis Gergorin de transmettre à la justice les fichiers dont il connaissait «l'origine frauduleuse et la fausseté», le tout «en manifestant à plusieurs reprises son souci de ne pas apparaître».

Les juges ont notamment appuyé leur thèse sur les auditions de M. Gergorin, un ancien proche de M. de Villepin: l'ancien vice-président du groupe aéronautique EADS affirme l'avoir rencontré à plusieurs reprises entre avril et juillet 2004 et reçu pour consigne de communiquer les listings à la justice.

Jugé jusqu'au 23 octobre à Paris, le procès Clearstream illustre la haine entre deux hommes politiques, qui à l'époque de l'affaire siégeaient dans le même gouvernement mais étaient rivaux dans la course à la présidentielle de 2007 pour succéder à Jacques Chirac.

Signe de l'âpreté de la lutte, Nicolas Sarkozy avait promis de «pendre à un croc de boucher» les manipulateurs. Peu après l'ouverture du procès, il a qualifié de «coupables» les inculpés, bafouant un principe fondamental du droit français.

La riposte à ce lapsus apparent n'a pas tardé: Dominique de Villepin l'a assigné en justice pour «atteinte à la présomption d'innocence». Une démarche symbolique puisque le chef de l'État bénéficie d'une immunité tant qu'il est en fonctions.