L'ex-premier ministre français Dominique de Villepin a entamé lundi sans baisser la garde la deuxième semaine du procès Clearstream dans lequel il doit être auditionné mercredi, en assignant en justice pour «atteinte à la présomption d'innocence» Nicolas Sarkozy.

Les avocats de M. de Villepin, principale personnalité inculpée dans cette affaire de manipulations et de dénonciation calomnieuse, et dont la rivalité avec l'actuel président français est présumée être au coeur du dossier, ont assigné Nicolas Sarkozy lundi, selon une source proche du dossier. Le président bénéficiant en France d'une immunité, une telle assignation ne pourrait toutefois être examinée que lorsque M. Sarkozy ne sera plus en fonctions.

Les défenseurs de l'ancien chef du gouvernement avaient annoncé dès jeudi leur intention de poursuivre M. Sarkozy, après que le président, partie civile au procès, eut utilisé le mot de «coupables» pour désigner les prévenus.

Le «lapsus» du président français avait provoqué un tollé dans l'opposition, mais aussi parmi une partie de la majorité de droite.

En droit français, tout prévenu à un procès est présumé innocent tant qu'il n'a pas été définitivement condamné.

Interrogé à la télévision sur le procès Clearstream, Nicolas Sarkozy avait déclaré mercredi soir depuis New-York: «Au bout de deux ans d'enquête, deux juges indépendants ont estimé que les coupables devaient être traduits devant un tribunal correctionnel».

L'affaire Clearstream est une vaste affaire de manipulation, dans laquelle des listings bancaires ont été falsifiés et transmis à la justice afin de faire croire que certaines personnalités, dont Nicolas Sarkozy, détenaient des comptes occultes.

Dominique de Villepin est accusé d'avoir pris part à cette machination visant à discréditer M. Sarkozy, alors qu'à l'époque tous deux siégeaient au même gouvernement mais étaient rivaux dans la course à la présidentielle de 2007.

L'ancien premier ministre a lui-même dénoncé vendredi sur son blog des atteintes «inacceptables» à l'indépendance de la justice et au devoir de «réserve» du chef de l'État.

Dans un entretien au Journal du Dimanche, le premier ministre de Nicolas Sarkozy, François Fillon, a riposté, jugeant qu'il ne fallait pas «transformer les victimes en coupables».

L'audience de lundi ne promettait par ailleurs pas de grandes révélations, notamment en raison de l'absence d'un des principaux inculpés, l'informaticien Imad Lahoud, auteur présumé des falsifications de listings.

Partie civile pour avoir figuré dans les listings truqués, l'ex-patron du groupe Thomson, Alain Gomez, a affirmé voir dans l'affaire «la signature» d'un des co-inculpés, l'ancien vice-président du groupe d'aéronautiquen EADS, Jean-Louis Gergorin.

Depuis le début du procès, MM. Lahoud et Gergorin, se sont mutuellement accusés de mentir et ont tenté d'impliquer directement Dominique de Villepin.

Le «lapsus» présidentiel est tombé à point nommé pour l'ex-premier ministre, qui avait dénoncé au premier jour du procès «l'acharnement» de Nicolas Sarkozy contre lui.

Une majorité des Français (52%) se sont d'ailleurs dit méfiants quant à la neutralité de la justice dans ce dossier, selon un sondage publié lundi par le site de l'hebdomadaire Le Nouvel Observateur.

Mardi, Lahoud et Gergorin devraient être confrontés aux dires du général Philippe Rondot, un responsable des services secrets dont les carnets personnels, saisis, ont révélé qu'il avait consigné avec précision ses rencontres avec les deux protagonistes.

Dominique de Villepin pourrait s'exprimer dès mardi. Son audition complète est prévue mercredi après-midi. La justice s'est donné jusqu'au 23 octobre pour juger l'affaire Clearstream.