Au lendemain d'un coup d'éclat de l'ex-premier ministre Dominique de Villepin, qui a défié le président français Nicolas Sarkozy au premier jour du procès Clearstream, le tribunal de Paris entame mardi les auditions des inculpés et plonge au coeur de la machination.

Le procès cherche une vitesse de croisière, avec l'audition des premiers - mais pas les plus illustres - acteurs, ceux par qui le scandale est arrivé: l'ex-auditeur stagiaire chez Clearstream, Florian Bourges, et le journaliste Denis Robert.

Dans cette affaire, c'est la haine entre deux hommes d'État français qui passionne l'opinion. Dominique de Villepin est accusé d'avoir participé à une machination visant à discréditer Nicolas Sarkozy, alors qu'ils siégeaient tous deux au gouvernement mais étaient rivaux dans la course à la présidentielle de 2007.

L'histoire commence par une fraude: le vol de listings, qui une fois falsifiés, alimenteront une affaire d'État.

«J'ai été manipulé», a clamé mardi l'ancien stagiaire Florian Bourges, qui fait figure de «lampiste» dans cette affaire.

Il comparaît pour vol et abus de confiance pour avoir divulgué en 2001 à Denis Robert des listes de milliers de comptes chez Clearstream, avant de livrer en 2003 ces mêmes fichiers à Imad Lahoud, un mathématicien affirmant travailler pour les services secrets français.

«Je n'avais pas de raison de me méfier», plaide le jeune homme, qui dit croire que Lahoud faisait «une recherche de financement d'Al Qaïda» dont les fonds étaient censés passer par l'institution financière luxembourgeoise.

Le jeune stagiaire, alors âgé de 23 ans, autorise le mathématicien à copier toute une série de fichiers clients et de fichiers de transaction. Ce sont ces mêmes documents qui atterriront quelques mois plus tard sur le bureau d'un juge. Entre-temps, ils auront été falsifiés et des noms de personnalités, dont celui de Nicolas Sarkozy, auront été ajoutés.

C'est le point de départ d'un scandale politique et médiatique.

Mardi, <i>La Presse</i> française s'est régalée des passes d'arme théâtrales du premier jour d'audience, relatant l'attaque de Villepin contre Sarkozy, son emphase et les réactions non moins enlevées qu'elle a suscité.

«Je suis ici par l'acharnement d'un homme, Nicolas Sarkozy, qui est aussi président de la République française. J'en sortirai libre et blanchi au nom du peuple français», avait affirmé solennellement M. de Villepin, entouré de sa famille.

Il a été accusé par un proche de M. Sarkozy de se donner en spectacle et de confondre le tribunal avec «le Club Méditerranée» ou l'«élection d'un Chippendale».

Le tribunal correctionnel se donne jusqu'au 23 octobre pour tenter de savoir qui a falsifié des listings bancaires.

Le but de cette manipulation très complexe était de discréditer ces faux détenteurs de comptes chez Clearstream, en les faisant passer pour des bénéficiaires de pots-de-vins versés au moment d'une vente d'armements à Taïwan en 1991.

Nicolas Sarkozy, pour qui l'ajout de son nom visait à le «salir» auprès de l'opinion publique, a promis un «croc de boucher» aux manipulateurs. Mais son avocat a affirmé mardi que le président n'avait jamais «pensé que Jacques Chirac (dont M. de Villepin est un proche) ait été directement ou indirectement mêlé à cette affaire».