Le président de la Commission européenne José Manuel Barroso a été réélu mercredi pour cinq ans par le Parlement européen s'adjugeant, malgré un bilan controversé, une confortable majorité absolue qui le place en position de force pour constituer à présent son équipe.

L'ancien premier ministre portugais, 53 ans, sort victorieux d'une longue campagne électorale débutée en juin. Il a recueilli au bout du compte 382 voix sur son nom, face à 219 élus qui se sont opposés à lui, au cours d'un scrutin à bulletins secrets. Il y a eu 117 abstentions.

M. Barroso a donc réussi à obtenir l'aval de plus de 50% des 736 eurodéputés composant le Parlement, alors qu'une simple majorité de «oui» aurait été suffisante.

Son score devrait permettre d'éviter un second vote si le «traité de Lisbonne» entre en vigueur. Avec ce texte, censé faire fonctionner l'UE de manière plus efficace, une majorité absolue est en effet nécessaire.

Seul candidat en lice, proposé par la droite modérée, il a aussi été soutenu majoritairement par les Libéraux, tandis que les socialistes (184 élus) avaient décidé de s'abstenir.

Ce qui n'a sans doute pas empêché les socialistes portugais et espagnols de voter «oui», pour suivre la position de leurs gouvernements. Et les socialistes français de voter «non», car selon leur chef de file Catherine Trautmann «M. Barroso nous a montrés qu'il manquait de courage dans des moments critiques».

Fait notable: le Portugais a pu atteindre la majorité absolue grâce au soutien potentiellement embarrassant des élus conservateurs eurosceptiques (britanniques, tchèques et polonais), qui ont constitué un groupe dissident car ils sont opposés au traité de Lisbonne. Un texte que M. Barroso défend au contraire.

«Je suis fier de ce résultat», a commenté M. Barroso, visiblement soulagé après plusieurs mois d'incertitude. Ses services n'étaient pas certains, encore la veille au soir, qu'il arracherait les voix de plus de la moitié de l'hémicycle.

«Nous n'avons plus de vide politique» en Europe, s'est réjoui le président du Parlement européen Jerzy Buzek.

Le premier ministre suédois, Fredrik Reinfeldt, dont le pays préside l'UE, a jugé que cette réélection apportait «de la stabilité» pour se concentrer sur les défis importants.

M. Barroso va désormais pouvoir réfléchir à la composition de sa future équipe de commissaires ainsi qu'aux autres postes clés de l'UE, fruit de tractations avec les gouvernements.

Il faudra selon lui «attendre le vote par référendum des Irlandais» sur le traité de Lisbonne le 2 octobre» avant toute désignation. Mais «cela n'empêche pas des contacts informels avec des chefs d'État et de gouvernements», a néanmoins admis M. Barroso.

Au cours du long bras de fer avec M. Barroso, le Parlement européen élu en juin a aussi gagné des points, en exigeant qu'il présente un programme écrit, avant de procéder à un vote.

M. Barroso a publié début septembre de grandes orientations et fait des promesses pour plaire aux partis frondeurs. Un exercice de marchandage qui a entraîné «des concessions», de l'avis même des socialistes, renforçant toutefois aussi la réputation de «caméléon» du président.

Reste que l'image du Portugais a été sérieusement écornée ces derniers mois. D'abord par les États de l'UE eux-mêmes qui avaient laissé un temps planer le doute sur sa reconduction, avant de l'adouber unanimement.

À la veille de sa réélection, nombre d'eurodéputés lui ont signifié leur défiance, jugeant son bilan peu convaincant et l'accusant d'être trop servile vis-à-vis des grandes capitales. Même le chef de file de son parti conservateur, le Français Joseph Daul, a précisé qu'il n'avait pas «un chèque en blanc».

Dans le camp conservateur, certains élus ont confié mercredi en privé qu'ils approuveraient sans enthousiasme M. Barroso.