À peine réconciliés, les socialistes français risquent de replonger dans la discorde et les divisions, avec la publication d'un livre de deux journalistes, qui accuse Martine Aubry d'avoir pris la direction du premier parti d'opposition fin 2008 à la suite de fraudes.

«On ne prend plus de gants, vous bourrez les urnes». La phrase d'un proche de Martine Aubry, qui aurait été prononcée le jour de l'élection interne du chef du parti le 21 novembre 2008, est censée symboliser une fraude qui, selon les auteurs, pourrait avoir concerné environ 1000 votes au total.

Ce soir-là, dans une ambiance de psychodrame, Martine Aubry n'avait devancé que de 102 voix l'ancienne candidate du Parti socialiste (PS) à l'élection présidentielle, Ségolène Royal. Déjà, à cette époque, des accusations de fraudes avaient été proférées.

Mme Royal, qui dit n'avoir lu que des extraits de l'ouvrage, a déclaré mercredi avoir «ressenti un choc en pensant aux dizaines de milliers de militants qui se sont fait voler leur vote».

«On savait que ça avait triché mais pas avec cette ampleur ni avec ce système d'organisation», a-t-elle dit sur la télévision France 2, ajoutant qu'elle ferait à ce sujet «une déclaration solennelle dans quelques jours».

«Nous avons toujours été persuadés qu'on avait volé notre victoire», a souligné à l'AFP, Najat Belkacem, une de ses proches.

Les deux auteurs, Antonin André et Karim Rissouli, journalistes à la radio Europe 1 et à la chaîne de télévision Canal+, ont assuré mardi détenir les preuves de leurs affirmations mais ne pas les avoir publiées par «courtoisie». L'ouvrage, «Hold-ups, arnaques et trahisons» (éditions du Moment), décrit des manoeuvres surtout dans la région du Nord, le fief de Martine Aubry, maire de Lille.

Un responsable, cité dans le livre, évoque ainsi des «bourrages d'urnes», c'est à dire l'ajout de bulletins de vote, et des falsifications de procès-verbaux du vote des militants dans la fédération du Nord du Parti socialiste.

«Je ne lirai pas le livre, j'attends le film !», a plaisanté mercredi Martine Aubry, devant quelques journalistes. «Je ne suis pas inquiète de ce livre, il faut se mettre à un autre niveau pour avancer», a-t-elle ajouté.

«Je crois que Martine Aubry a gagné, que les choses sont derrière nous. Je le crois, mais ce n'est pas avec ce genre de propos qu'on va remettre la politique à la hauteur qu'elle devrait avoir», a déclaré l'ancien premier ministre socialiste Laurent Fabius. «Il n'y pas pas d'éléments probants» montrant des irrégularités, a-t-il ajouté.

La parution de ce livre, dont des extraits sont publiés par le site Internet du magazine Le Point, tombe au moment où les socialistes français semblent sur la voie de la réconciliation, après de longs mois de déchirements, et de douloureuses défaites électorales.

Réunis fin août à La Rochelle (sud-ouest) pour leur «université d'été», les socialistes avaient donné l'impression de pouvoir se ressouder autour de l'idée de larges primaires pour la désignation de leur candidat à la présidentielle de 2012. Martine Aubry et Ségolène Royal avaient alors voulu donner l'image de leur réconciliation.