La Cour suprême de Russie a renvoyé jeudi au parquet l'affaire de l'assassinat de la journaliste russe Anna Politkovskaïa, donnant satisfaction aux proches de la victime qui espèrent que la lumière sera enfin faite sur ce crime retentissant.

«Notre requête a été entièrement satisfaite», a déclaré à l'AFP Karinna Moskalenko, avocate de la famille.

«C'est la seule décision juste et nous la soutenons. Les enquêteurs ont une nouvelle chance de faire une percée pour élucider cette affaire», a commenté le fils de la journaliste, Ilia Politkovski, joint par l'AFP.

Cette décision met de facto un terme au nouveau procès ouvert le 5 août et dont toutes les parties réclamaient l'arrêt.

Trois complices présumés, acquittés lors d'un premier procès en l'absence de preuves suffisantes, comparaissaient de nouveau pour les mêmes charges tandis que le commanditaire de l'assassinat n'a toujours pas été identifié et que le tueur présumé est en fuite.

Anna Politkovskaïa, qui s'était illustrée en dénonçant les exactions de l'armée et des forces de l'ordre en Tchétchénie, a été tuée par balles dans le hall de son immeuble en octobre 2006.

Deux frères tchétchènes, Djabraïl et Ibraguim Makhmoudov, soupçonnés de l'avoir surveillée et d'avoir amené sur les lieux du crime le tueur présumé, leur frère Roustam, étaient jugés, de même qu'un ancien policier, accusé d'avoir mis au point la logistique de l'assassinat.

Les enfants de la victime veulent que le parquet réunisse les dossiers des personnes déjà jugées, du tireur présumé et du commanditaire dans une même affaire.

«La prochaine fois, l'affaire sera renvoyée devant un tribunal quand Roustam Makhmoudov (tueur présumé, ndlr) aura été attrapé», a déclaré le procureur Vera Pachkovskaïa, cité par l'agence Interfax.

«Le parquet a une nouvelle chance, j'espère qu'ils l'utiliseront en tenant compte de nos documents et de nos versions», a souligné Me Moskalenko.

Dmitri Mouratov, rédacteur en chef du trihebdomadaire Novaïa Gazeta pour lequel travaillait Anna Politkovskaïa, s'est aussi félicité de la décision de la Cour Suprême.

«L'affaire a été renvoyée pour une enquête complète et exhaustive, c'est très important et juste», a-t-il déclaré à l'AFP. «Il ne faut pas perdre de vue que depuis trois ans, l'assassinat n'a pas été élucidé», a-t-il cependant tempéré.

Selon Mourad Moussaïev, l'avocat de l'un des frères, la décision de la Cour Suprême était «attendue».

«Nous n'étions pas contre la requête de la famille. Nous sommes pour une enquête efficace et objective parce que dans ce cas-là, nos clients seront acquittés», a-t-il déclaré à l'AFP.

«Pourtant nous avons peur que les enquêteurs s'en servent non pour corriger leurs erreurs mais pour les masquer et pour fabriquer de nouvelles preuves plus soigneusement», a-t-il mis en garde.

Anna Politkovskaïa était l'une des rares journalistes russes à dénoncer les atteintes aux droits de l'Homme en Tchétchénie et à critiquer ouvertement les abus du système politique et judicaire sous Vladimir Poutine, alors président du pays.

Après l'échec du premier procès, l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) s'était élevée contre «l'impunité» des assassins de journalistes en Russie, une réaction qualifiée de «provocation» par Moscou.

Aucun des assassinats retentissants de journalistes n'a été élucidé ces dernières années en Russie, à l'instar de l'affaire Politkovskaïa.