Le Britannique Ronnie Biggs, l'un des auteurs de l'attaque mythique du train postal Glasgow-Londres en 1963 aujourd'hui mourant, a été formellement remis en liberté vendredi à la veille de son 80e anniversaire.

Le ministre de la Justice Jack Straw a annoncé jeudi soir sa remise en liberté «pour raison de santé». Vendredi après-midi, le ministère a confirmé que Biggs était officiellement libre, ce qui concrètement s'est traduit par le départ des policiers postés à son chevet. Gravement malade, affaibli par plusieurs attaques cérébrales, Biggs s'alimente au moyen d'une sonde et communique par gestes, crépuscule pathétique d'une existence flamboyante et hors norme.

Hold up audacieux

La saga de «Ronnie» Biggs commence le 8 août 1963, le jour de son 34ème anniversaire. Sous la houlette du «cerveau» de l'opération Bruce Reynolds, Biggs et un gang hétéroclite réunissant entre autres un pilote de course et un fleuriste réussissent alors l'un des hold-ups les plus audacieux de l'histoire: l'attaque du train postal Glasgow-Londres.

Les 15 braqueurs emportent la somme record de 2,6 millions de livres, ce qui équivaudrait aujourd'hui à plusieurs dizaines de millions d'euros.

Mais Biggs est arrêté le mois suivant, jugé, puis incarcéré à la prison londonienne de Wandsworth. Son évasion 15 mois plus tard -- en sautant sur un matelas à l'arrière d'un camion bâché-- marque le début d'une cavale débridée, émaillée d'une invraisemblable succession de coups de chance.

Après un passage en France où une opération de chirurgie esthétique lui donne un nouveau visage, Biggs part se reposer deux mois en Espagne.

Repéré par Scotland Yard, il s'enfuit en Australie puis gagne le continent sud-américain, traverse la jungle jusqu'en Argentine et en Bolivie. Il décide de poser ses valises au Brésil en 1970, ce pays n'ayant pas signé d'accord d'extradition avec la Grande-Bretagne.

Dans ses poches, sa part du pactole lui permet de mener un temps la vie oisive d'un play-boy fortuné et un peu bohème.

En 1974, la police britannique retrouve sa trace à Rio et menace de mettre fin à son exil. Mais Biggs leur file encore entre les doigts, cette fois parce que le fait qu'il ait un fils né au Brésil le protège de toute extradition.

Sa maison, sur les hauteurs de Rio, deviendra quasiment un détour obligé pour nombre de touristes anglais ravis de se faire photographier à ses côtés -- moyennant finances -- ou de rentrer au pays avec un T-shirt à son effigie.

Pour arrondir ses fins de mois, Biggs participera également à plusieurs campagnes publicitaires. À la fin des années 1970, son registre éclectique l'amène à enregistrer avec le sulfureux groupe punk des Sex Pistols une chanson au titre révélateur: «No one is innocent» («Personne n'est innocent»).

En 1981, une bande de mercenaires le kidnappe à Rio, avec l'objectif de le rapatrier en Grande-Bretagne: bâillonné, ligoté, enfermé dans un sac portant la mention «serpent vivant», il est transporté par bateau vers l'île de la Barbade avant d'être déféré devant les autorités locales.

Mais la demande d'extradition n'ayant pas été présentée dans les formes, la justice de la Barbade ordonne le renvoi de Biggs... au Brésil.

C'est finalement en 2001 qu'affaibli par la maladie, ruiné, il décide de rentrer au Royaume-Uni pour purger sa peine.

«Je suis un homme malade, ma dernière volonté est d'entrer dans un pub de Margate (une station balnéaire du sud-est de l'Angleterre, NDLR) pour y boire une pinte de bière en tant qu'Anglais», avait-il confié au quotidien The Sun, qui avait orchestré son rapatriement hautement médiatisé.

En 2002, Biggs épousait en prison Raimunda Rothen, la mère brésilienne de son fils Michael. Cinq ans plus tard, il était transféré dans l'unité de soins de la prison de Norwich.

Mais malgré sa liberté retrouvée, il devrait terminer sa vie sur un lit d'hôpital sans pouvoir réaliser son dernier rêve: boire une bière à Margate.