Elle et Marie-Claire, fleurons de la presse féminine française, se lancent depuis quelques années à l'assaut du monde arabe et pratiquent l'art délicat d'adapter la formule qui a fait leur succès à des pays où le rôle et l'image de la femme sont des sujets sensibles.

Après les Emirats Arabes Unis et le Koweït, Marie-Claire va prochainement lancer une édition en Arabie Saoudite. Le magazine Elle y est déjà implanté, tout comme à Dubaï et au Liban.

«Faute de pouvoir multiplier les lancements en France étant donné le contexte économique, les éditeurs essayent de déployer la marque à l'international. Ces pays sont des marchés porteurs, avec le boom de certains pays particulièrement riches», explique à l'AFP Sophie Renaud, directrice de l'expertise presse à l'agence média Carat France.

«C'est aussi intéressant de se développer là-bas pour montrer que le titre bouge, qu'il a des convictions, qu'il essaye de faire changer la vision de la femme», souligne-t-elle.

Mais dans certains de ces pays, impossible de montrer des photos de femmes dénudées ou d'aborder de front des sujets touchant aux moeurs. En avril, un numéro de Jeune Afrique a été interdit aux Emirats Arabes Unis : en couverture, la photo d'une femme au dos dénudé illustrait un dossier intitulé «Les musulmans et le sexe».

Pour les magazines féminins, qui ont accompagné l'essor des droits de la femme en France, s'implanter dans ces pays sans renier leurs racines relève d'un exercice subtil.

«On fait attention à ne pas faire de la provocation inutile, on ne cherche pas à se mettre hors-la-loi. Cela ne ferait pas avancer la société, ni le statut des femmes», explique Jean de Boisdeffre, directeur général de la presse magazine internationale de Lagardère Active.

Si des sujets internationaux sont abordés, pas question par exemple d'évoquer le débat sur le port de la burqa en France. «Ce serait provocateur et cela créerait une association d'idées entre le magazine et la France qui n'est pas forcément nécessaire», estime-t-il.

Pour les photos, la situation varie selon les pays. «Aux Emirats Arabes Unis, on ne va pas mettre les filles en jupes extrêmement courtes ou avec des décolletés jusqu'au nombril sur toutes les pages mode. En Arabie, c'est plus strict : on ne peut pas montrer de décolletés et il faut que les genoux soient recouverts», indique Florence Duluard, directrice éditoriale des éditions internationales de Marie-Claire.

«A peu près 80% d'un magazine comme Elle est conçu localement, soit avec des créateurs locaux, soit avec des sujets qui auront été +shootés+ ad hoc». Pour le reste, «il y a largement assez de sujets de mode produits par Elle pour qu'on puisse choisir les vêtements qui soient adaptés aux goûts de nos lectrices», souligne M. de Boisdeffre.

Pour la partie rédactionnelle, Marie-Claire et Elle s'appuient sur leurs équipes locales, «qui savent mesurer la façon dont elles doivent aborder un sujet», note M. de Boisdeffre.

«On parle des problèmes de couple ou de la dépression qui touchent les femmes, mais on ne le fait pas frontalement: on va prendre l'angle +comment positiver les relations dans le couple+ au lieu de dire que la femme a des problèmes et que son mari ne la satisfait pas», indique Mme Duluard.

«On a fait un sujet sur le hammam, il y a quelques mois, au travers duquel on a pu parler de beaucoup de choses: les relations entre les hommes et les femmes, entre les parents et les enfants, la sexualité», ajoute M. de Boisdeffre.