L'armée russe a essuyé un important revers après le nouvel échec d'un test de missile intercontinental censé devenir le fleuron de ses forces stratégiques, jetant une ombre sur sa capacité de modernisation et de dissuasion nucléaire.

Le ministère de la Défense a annoncé jeudi qu'un missile Boulava lancé le 15 juillet en mer Blanche depuis le croiseur sous-marin Dmitri Donskoï s'était désintégré en vol à la suite d'une défaillance au premier étage de la fusée.

 

«À chaque fois il y a un autre incident, cette fois, c'était le premier étage du missile», observe l'analyste indépendant Pavel Felgenhauer, en allusion aux dix essais de missiles Boulava effectués jusqu'ici par la marine russe, qui se sont soldés par cinq échecs. «Il s'agit d'un important revers qui met en doute la capacité de dissuasion nucléaire de la Russie», affirme M. Felgenhauer.

 

En outre, «cela grève le budget de la défense et crée des problèmes pour le renouvellement» d'un arsenal vieillissant datant de l'Union soviétique, juge l'analyste. Selon le quotidien Kommersant paru vendredi, le ministère de la Défense consacre quelque 40% de son budget achats au programme Boulava -le plus ambitieux et le plus cher de l'armée russe- et aux sous-marins destinés à le lancer.

 

Aux yeux de l'expert belge Joseph Henrotin, «il y a un problème fondamental de conception» du Boulava (SS-NX-30 dans la classification de l'Otan), d'une portée de 8 000 kilomètres, qui peut être équipé de dix ogives nucléaires hypersoniques de 100 à 150 kilotonnes à trajectoire indépendante.

 

Ce missile est destiné à être «lancé d'un sous-marin, mais il est issu du Topol-M sol-sol (le SS-27 dans la nomenclature américaine). Ca ne marche pas bien», souligne M. Henrotin, rédacteur en chef de la revue mensuelle française «Défense et Sécurité internationale» (DSI). «L'engin mer-sol est éjecté du tube d'un sous-marin par une charge d'air comprimé, passe à travers l'eau, -ce pour quoi en particulier un engin sol-sol n'est pas conçu- puis son moteur s'allume seulement quand il est hors de l'eau», explique l'analyste.

 

«Les Américains avaient essayé le concept (passer d'une fusée sol-sol à une fusée mer-sol) dans les années 50 mais ça ne tenait pas la route», dit-il. Selon lui, «la crédibilité de la Russie est menacée par ces difficultés techniques». «Cela ne sert pas sa position dans les négociations» avec les États-Unis sur un nouvel accord de désarmement nucléaire, destiné à remplacer le traité START I, dit-il. Compte tenu des échecs à répétition du Boulava, «il est évident qu'il faut mettre fin à ces tests et cesser de jeter l'argent par les fenêtres», estime pour sa part le directeur de l'Institut russe d'analyse politique et de défense, Alexandre Khamtchikine, cité par l'agence Interfax.

 

Mais l'armée ne l'entend pas de cette oreille. Les essais de Boulava vont se poursuivre, a indiqué une source au sein du complexe militaro-industriel russe, citée par les agences Interfax et Itar-Tass. Le missile doit équiper les sous-marins nucléaires lanceurs d'engins de 4e génération de la marine russe de classe Borée (projet 955) qui sont en construction à l'usine Sevmach (Iouri Dolgorouki, Alexandre Nevski et Vladimir Monomakh). La Russie envisage de construire huit sous-marins de ce type avant 2015.