La conclusion du procès du «gang des barbares», dans lequel une vingtaine de jeunes de la banlieue parisienne étaient jugés pour l'enlèvement, la séquestration et l'assassinat d'un jeune Français de confession juive, Ilan Halimi, soulève la controverse.

Plusieurs associations juives, à l'instar de la famille de la victime, ont dénoncé avec virulence les peines imposées vendredi dernier à plusieurs des accusés, les jugeant trop clémentes par rapport à la gravité du crime et de son caractère antisémite, dénoncé par d'importantes manifestations en 2006.

Seule la condamnation à perpétuité du chef du gang, Youssouf Fofana, qui ne pourra recouvrer la liberté avant moins de 22 ans, a été accueillie favorablement.

Sur les ondes d'Europe 1, la mère de la victime, Ruth Halimi, s'est dite «effarée», hier, que certains accusés aient reçu des peines inférieures à celles qui étaient demandées par l'avocat général, Philippe Bilger.

Une jeune femme ayant servi «d'appât» pour enlever Ilan Halimi, laissé pour mort près d'un chemin de fer après 24 jours de séquestration et de torture, a notamment écopé de neuf ans, alors que 10 à 12 ans étaient demandés.

Mme Halimi a aussi déploré que les procédures se soient déroulées à huis clos parce que deux accusés étaient mineurs au moment des faits.

Dans le cas contraire, la France «aurait pris conscience qu'aujourd'hui, la Shoah recommence», a déclaré la mère, qui réclame des peines «à la hauteur de ce qu'Ilan a subi».

Le Bureau national de vigilance contre l'antisémitisme (BNVCA), qui recense les actes antisémites commis sur le territoire français, a dénoncé un jugement « indulgent pour les meurtriers antisémites ».

«C'est la première fois depuis la Shoah, l'occupation nazie, la collaboration, la déportation, qu'un juif est assassiné en France parce que juif», a déclaré le président de l'organisation, Sammy Ghozlan.

Le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) avait dénoncé le réquisitoire de l'avocat général comme trop clément avant même que les jurés ne se prononcent.

Youssouf Fofana, qui se présente comme un martyr de l'islam, n'a rien fait pour apaiser les esprits durant le procès, multipliant les provocations. Il a notamment dit à la Cour que sa date de naissance était celle de la mort d'Ilan Halimi et lancé ses souliers dans la direction de la partie civile.

L'avocat général a défendu, dans les médias, le verdict des jurés en soulignant qu'il respectait «la hiérarchie des responsabilités que j'avais proposée». Mais il a été contredit par la ministre de la Justice, Michèle Alliot-Marie, hier. Elle a demandé au parquet général d'en appeler des décisions ciblant tous les accusés qui ont reçu une peine moindre que demandée, ce qui touche 14 d'entre d'eux.

Une décision saluée par M. Ghozlan, joint en Israël. «Elle nous redonne confiance dans les institutions et ceux qui gouvernement le pays», a-t-il déclaré.

L'Union syndicale des magistrats (USM) a décrié de son côté cette intervention «inquiétante». Selon son président, Christophe Régnard, elle démontre que «la politique a repris ses droits sur la justice en permettant aux familles de victimes de peser démesurément sur le travail des tribunaux».

L'avocat Michel Konitz, qui représente l'un des accusés ayant joué un rôle secondaire dans l'affaire, a dit sentir un «grand sentiment de malaise» face à l'appel.

Il soupçonne le gouvernement, et plus particulièrement le président Nicolas Sarkozy, de céder à «l'énorme battage» fait autour du verdict de vendredi dernier.

«Vous savez, nous ne sommes pas dans un pays où la justice a les mains libres. Le système est à la botte de Sarkozy, qui ne réagit que par utilité électorale», a critiqué l'avocat.

M. Gohzlan fait peu de cas de cette analyse. «Les avocats peuvent penser ce qu'ils veulent. Ce que nous recherchons, c'est que justice soit faite sur un meurtre anti-juif commis en sol français», a-t-il dit.