En visitant Moscou, Barack Obama voulait réconcilier son pays non seulement avec le Kremlin, mais avec la Russie entière.

Dans l'un de ses grands discours auxquels il a habitué la planète depuis son entrée en fonction, le président américain a notamment flatté l'ego russe en reconnaissant l'héritière de l'Union soviétique comme une «grande puissance».

 

«Que les choses soient claires dès le départ: l'Amérique veut une Russie qui soit forte, pacifique et prospère», a lancé, hier matin, le président américain aux diplômés de la Nouvelle école économique de Moscou, qui forme une partie de l'élite russe.

Le président a bien précisé toutefois que ce n'était pas à lui à définir les intérêts nationaux de la Russie. «Mais je peux vous dire quels sont les intérêts nationaux des États-Unis et je crois que vous verrez que nous en partageons plusieurs.»

Maniant habilement la citation, Barack Obama a repris les mots du plus grand poète russe, Alexandre Pouchkine, tout en faisant constamment référence aux difficultés communes qu'ont connues les États-Unis et la Russie pendant toute leur histoire. Comme pour mettre les deux États sur un pied d'égalité.

Il a rappelé «qu'aucun pays dans l'histoire des batailles n'a jamais souffert autant que l'Union soviétique lors de la Seconde Guerre mondiale.» Une remarque qui a un fort effet en Russie, où on reproche souvent aux Alliés d'oublier le rôle de Moscou dans la victoire contre le nazisme.

Poutine au déjeuner

Le président américain a toutefois voulu freiner les ardeurs des dirigeants russes, qui lui demandaient implicitement de reconnaître l'ex-URSS comme faisant partie de leur «sphère d'influence».

«L'époque où les empires pouvaient traiter les États souverains comme des pièces d'un jeu d'échecs est révolue», a tranché Obama.

Il a toutefois ouvert la porte à un compromis sur le bouclier antimissile en Pologne et en République tchèque, l'un des dossiers bilatéraux les plus sensibles. Il a laissé entendre que si la Russie pouvait l'aider à neutraliser toute menace nucléaire en provenance d'Iran, les États-Unis abandonneraient leur projet controversé.

La journée d'Obama a commencé par un déjeuner «à la russe» avec le premier ministre Vladimir Poutine, l'homme fort du régime. Le président américain l'avait accusé la semaine dernière d'avoir «encore un pied dans le passé».

L'entretien de deux heures entre les deux hommes a été visiblement moins cordial que celui de la veille avec le président Medvedev.

Devant les caméras, les hommes, un peu mal à l'aise, ont échangé les salutations d'usage avant de se lancer à huis clos dans un entretien «très franc» et «très direct», selon un responsable de la Maison-Blanche.

»Rien ne sera facile»

«En ce qui a trait aux sujets sur lesquels nous ne sommes pas d'accord, comme la Géorgie, je ne m'attends pas à une communion des esprits dans un avenir proche», a reconnu M. Obama à l'issue de la rencontre.

En fin d'après-midi, le président américain s'est entretenu avec des responsables d'ONG, puis avec des leaders de la maigre opposition russe, indiquant d'entrée de jeu qu'il était venu pour les «écouter» plutôt que pour donner des leçons.

Le politologue Sam Greene, du centre Carnegie de Moscou, estime que si Obama a réussi à jeter les bases d'un nouveau dialogue russo-américain, «rien ne sera facile» pour la suite des choses.

«Et ça n'a pas à l'être. Ce qu'il faut, c'est que [les Russes et les Américains] s'assoient à la même table pour discuter des détails ennuyeux et des problèmes, au lieu de se parler indirectement en donnant des interviews à CNN», note-t-il.

Et c'est ce que cette visite de 48 heures à Moscou, une éternité dans l'horaire d'un président, semble avoir permis de faire.