Un oeil clos, une voix très faible, un visage tuméfié, les images de Bahia Bakari, 12 ans, la rescapée du vol 626 de la compagnie Yemenia qui s'est abîmé mardi au large des Comores, ont suscité grande curiosité et vives critiques dans le monde hier.

Les images d'une - très courte - entrevue avec l'adolescente ont été diffusées hier sur France 2; elles ont été captées dans l'avion qui a ramené hier Bahia Bakari en France. La jeune fille, visiblement exténuée, est cadrée en très gros plan. «Comment tu te sens?» demande une journaliste. «Bien», répond faiblement Bahia. «Comment s'est passé le voyage?» «Ça va.» «C'est pas trop long?» «Non.»

 

«Tu es émue?» demande le médecin qui l'accompagne. «Un petit peu, un petit peu», répond Bahia. «Ton papa t'attend.» «Je sais.»

Les réactions d'indignation de télé-spectateurs ont commencé à fuser sur le site de France 2, accusant la télé publique française d'avoir versé dans le sensationnalisme en exploitant la faiblesse de la rescapée. France 2 s'est expliquée sur son site en révélant dans quel contexte ont été prises les images (voir capsule).

Durant le voyage, l'adolescente a évoqué l'accident et raconté que «des consignes ont été données, elle a senti comme de l'électricité puis un grand bruit et elle s'est retrouvée à l'eau», a rapporté le secrétaire d'État français à la Coopération, Alain Joyandet, présent dans l'avion qui ramenait la jeune fille.

Bahia Bakari a ainsi retrouvé son père, qui était resté dans la demeure familiale de Corbeil-Essonne (à 40 km au sud de Paris), lorsque sa mère et elle ont pris l'avion pour les Comores, où elle devait passer l'été. Le corps de sa mère n'a pas été retrouvé, la jeune fille en a été informée avant de rentrer en France. Le père, Kassim Bakari, a déclaré être «partagé entre le soulagement et le chagrin» en retrouvant Bahia, puisqu'il a perdu sa femme dans l'accident.

Les médecins de l'hôpital parisien qui ont examiné Bahia à son retour ont déclaré qu'elle souffre de «contusions multiples de gravité modérée» et «de brûlures nécessitant une prise en charge spécialisée». «Ces traumatismes multiples ne menacent pas, a priori, le pronostic vital», ont-ils ajouté. La jeune fille, qui a survécu en s'accrochant durant une douzaine d'heures à un morceau du fuselage, souffre également d'une fracture de la clavicule et de brûlures aux genoux.

Elle est vraisemblablement la seule survivante du crash. Hier, l'armée française a indiqué que les opérations de recherche se concentrent «sur une zone de dérive, où l'on voit de moins en moins de choses, les débris ont tendance à s'éparpiller», selon l'AFP. Mardi, un avion militaire avait repéré une balise de détresse et de nombreux débris, parmi lesquels «des hublots, une roue de l'avion, des morceaux de carlingue», qui n'ont pas été retrouvés depuis.

Le Yémen se défend

La compagnie aérienne Yemenia a suspendu hier la liaison Marseille-Sanaa «pour une durée indéterminée». Hier, le ministre du Transport du Yémen, Khaled al-Wazir, s'est dit «surpris» par «les jugements anticipés» portés sur les causes de l'accident «avant la publication des résultats de l'enquête en cours». Les autorités françaises et des membres de la communauté comorienne de France ont mis en cause l'état de l'appareil - qui faisait la liaison Sanaa-Moroni et qui avait été interdit sur le sol français - et des défauts de maintenance.

Le président français Nicolas Sarkozy a repris hier l'appel à une «liste noire mondiale» des compagnies aériennes. «Des mesures avaient été prises en France. Incontestablement, il faut maintenant qu'il y ait une réglementation mondiale pour qu'une compagnie classée dangereuse ne puisse transporter des passagers nulle part dans le monde», a-t-il dit.

Comme il l'avait fait après le crash du vol d'Air France au large du Brésil il y a un mois, Nicolas Sarkozy a assisté hier soir à une cérémonie religieuse à la mémoire des victimes, cette fois-ci à la Grande Mosquée de Paris. Le Conseil français du culte musulman a demandé que la «prière de l'absent» soit dite dans toutes les mosquées de France aujourd'hui après la grande prière de midi, en l'honneur des victimes.

 

Yemenia en bref

Compagnie aérienne nationale du Yémen

Fondée en 1961 sous le nom de Yemen Airways. Elle se restructure en 1978 et prend le nom de Yemenia. L'État yéménite en détient 51% et le gouvernement saoudien 49%.

Avant l'accident, Yemenia possédait quatre Airbus A310-300, deux A330-200 ainsi que quatre Boeing 737-800. Une de ses filiales, Felix Airways, utilise six Bombardier achetés à la fin de 2007.

En juin 2000 un appareil de Yemenia a été contraint d'effectuer un atterrissage d'urgence.

Sources: lexpress.fr, AFP, Union européenne